A BAS LE RÉGIME ET SES INSTITUTIONS, A BAS L’ASSEMBLÉE ILLÉGITIME ET SES DÉPUTES CROUPIONSLIBÉRATION IMMÉDIATE DE TOUS LES PRISONNIERS POLITIQUESARRÊT DE LA RÉPRESSION, DÉFENSE DES DROITS DÉMOCRATIQUESRUPTURE IMMÉDIATE DU DIALOGUE AVEC LE RÉGIME, EN PARTICULIER AVEC LE GOUVERNEMENT ISSU DE CES ÉLECTIONSASSEMBLÉE NATIONALE SOUVERAINE |
Il était inévitable que le taux d’abstention aux élections législatives soit historiquement important. Le régime s’y attendait et s’y préparait. Tebboune le premier, puisque qu’il clamait haut et fort que le taux de participation lui importait peu. Mais il faut le constater, l’abstention atteint des records historiques, traduisant comme jamais sur le plan électoral le rejet unanime du régime et de ses institutions. Un taux d’abstention qui dépasse les records, celui survenu à l’élection présidentielle et au référendum. Selon les chiffres officiels, le taux de participation peine à atteindre les 23 % et dans certaines wilayas (TIZI OUZOU, BEJAIA), le taux de participation frôle le zéro pointé.
Aucun parti n’a obtenu 300 000 voix. Avec 98 sièges, le FLN a obtenu 287 828 voix, suivi du MSP (208 471 voix), RND (198 758), Front El Moustakbal (153 987), Mouvement El Bina (106 203 voix). Les cinq partis n’ont pas dépassé, le million de voix. Ils ont obtenu, ensemble, 955 247 voix sur 4 610 652 de suffrages exprimés. Le nombre d’électeurs inscrits était de 24 453 992 et celui des votants de 5 622 401. Au total, 1 011 749 de bulletins ont été déclarés nuls. Jamais dans l’histoire du pays la clique au pouvoir n’a subi un tel camouflet. C’est une assemblée croupion, illégitime et composée dans sa totalité d’affairistes et de corrompus à la solde de la junte militaire qui a été « élue ». Ce scrutin, et la déconfiture de l’ensemble des partis qui s’y sont engagés, fournit la preuve implacable que les masses algériennes, dans leur immense majorité, étaient prêtes pour engager le combat contre le régime. Encore une fois, seul le refus d’appeler au boycott actif des élections par les dirigeants syndicaux a permis la tenue d’un scrutin plus que jamais entaché par la fraude, l’illégitimité et la corruption. C’est une assemblée croupion, et dès le lendemain des élections, les manifestants en Kabylie l’ont fait savoir en s’en prenant aux députés fraîchement désignés.
La deuxième leçon que l’on peut en tirer, c’est que malgré la liquidation du droit d’expression, la répression qui a connu des sommets jusqu’à la veille du scrutin (et qui s’accentue encore aujourd’hui) et l’emprisonnement des militants syndicaux et politiques, les rapports de force entre les classes qui sont issus du 22 février n’ont pas été inversés. La seule « victoire » dont peut se targuer Tebboune, c’est que le scrutin s’est tenu sans explosion majeure. Et il le doit en premier lieu au soutien que lui ont apporté l’ensemble des forces politiques, en premier lieu les dirigeants des centrales syndicales UGTA et CSA. Le dirigeant de l’UGTA s’est particulièrement illustré en appelant directement le pouvoir à exercer et accentuer la répression contre les travailleurs et leurs véritables représentants, lors d’une interview sur une chaîne de télévision dans la période précédant le scrutin.
Sans les dirigeants syndicaux et leur politique criminelle, il y a fort à penser que la situation politique aurait été tout autre. Pour l’heure, ce qui domine dans la situation politique, c’est une espèce de statu quo bancale, avec un régime qui ne parvient pas, malgré sa victoire électorale à la Pyrrhus, à rétablir pleinement le régime et ses institutions. Il demeure contraint de s’appuyer sur deux piliers essentiels pour lui : la répression massive, comme en témoigne encore l’arrestation du dirigeant du MDS Fethi Gheras, et le dialogue social avec les responsables des centrales syndicales sur lesquels il compte pour prendre en charge la politique de liquidation des acquis ouvriers.
Avec la nomination de l’ex-ministre des Finances Aïmen Benabderrahmane comme nouveau premier ministre du futur gouvernement, le pouvoir a fait le choix de promouvoir un ancien dirigeant de la Banque centrale d’Algérie, ministre des finances du gouvernement précédent, dont la mission essentielle consistera à mettre en place l’ensemble des contre-réformes, d’ouvrir l’économie algérienne aux IDE (investissements directs étrangers), à l’économie mondiale, pour le dire autrement, au pillage sans limites du pays par les puissances impérialistes (avec par exemple l’entrée prochaine de l’Algérie dans l’OMC).
« Pour l’avenir, c’est l’économie et le social, donc financier et vous êtes au courant de tous les dossiers financiers », a dit Tebboune à Benabderrahmane lors de la brève cérémonie de sa nomination (TSA, le 3 juillet).
La feuille de route de Benabderrahmane est claire, tout simplement parce qu’elle a déjà été écrite il y a des années. Il s’agit d’adopter et d’appliquer toutes les contre-réformes qui n’ont que trop tardé à être mise en œuvre pour le compte de la bourgeoisie et des puissances impérialistes. L’Algérie est aujourd’hui exsangue sur le plan économique, avec des réserves de change ne couvrant qu’un peu plus d’une année d’importations, un déficit de plus de 3 300 milliards de dinars à la fin de l’année en cours selon le projet de loi de finances 2021, et une monnaie nationale dont la descente aux abîmes s’accélère de façon vertigineuse face aux devises étrangères.
Selon El Watan du 3 juillet :
« Les revenus des hydrocarbures ne sont plus suffisants pour assurer l’équilibre des dépenses incompressibles du budget de l’État. Les recettes fiscales sont de moins en moins importantes, alors que les recettes ordinaires, fruit des impôts prélevés dans le secteur hors hydrocarbures, ne couvrent même pas les dépenses de fonctionnement, et ce, depuis quelques années déjà. La Banque d’Algérie est en train d’user de tous les moyens pour arriver à trouver des financements. […]
[…] selon les statistiques du gouvernement précédent qui a repris les résultats d’enquêtes des institutions internationales, quelque 500 000 emplois ont été perdus à cause de la crise sanitaire. Il s’agit là d’un des plus grands défis du prochain gouvernement à côté de celui du pouvoir d’achat des Algériens qui poursuit sa descente aux enfers. »
Le chômage s’élève aujourd’hui à 15 % officiellement, il était de 9 % en 2013, et si l’on s’en réfère aux statistiques officielles bourgeoises, le PIB par habitant a plongé de 5 466 dollars en 2014, à 4 032 dollars en 2021, soit une baisse de 25 %.
Ce qui est à l’ordre du jour, c’est la liquidation de tout ce qui reste des acquis et garanties pour le prolétariat. En premier lieu, il leur faut en finir avec les subventions aux produits de première nécessité. De quoi s’agit-il ? Le Soir d’Algérie du 28 juin 2021 nous en donne un avant-goût :
« Plutôt que de vendre les produits actuellement subventionnés, à l’image du pain, du sucre, du lait en sachet ou de l’huile à des prix dits soutenus, c’est au prix réel que ces produits seront mis sur le marché. Ils coûteront donc logiquement plus cher pour tous, sauf que les personnes classées dans la catégorie des personnes à faible revenu recevront une aide directe, soit une somme d’argent dont le montant n’a pas encore été fixé. Avec ce système, le directeur général de la modernisation, de la documentation et des archives au niveau du ministère de l’Intérieur assure que l’Algérie pourrait économiser 50% du budget actuellement alloué aux subventions (souligné par nous). Pour l’année en cours, l'enveloppe destinée au soutien au titre du budget 2021 avait été portée à 17 milliards de dollars. »
Si ces mesures étaient mises en œuvre, elles conduiraient au doublement du prix des produits de première nécessité, plongeant des millions de travailleurs et de familles dans la pauvreté extrême.
Selon le même journal :
« Au plus haut sommet de l’État, la décision est déjà prise : les subventions directes ne seront bientôt plus qu’un lointain souvenir. Le chef de l’État a évoqué cette perspective à l’occasion de l’entretien qu’il a accordé à un journal français (comme pour donner des gages à l’ex-puissance coloniale, ndlr), assurant que “le projet est en cours d'élaboration. J'attends l'élection des assemblées - Parlement et assemblées locales - pour entamer une réflexion nationale, notamment avec les syndicats, le Conseil national économique et social et environnemental et les élus” » [souligné par nous].
La suppression des subventions aux produits de première nécessité constitue incontestablement la mère des réformes pour Tebboune et son régime, agissant pour le compte des puissances impérialistes et de la bourgeoisie algérienne. Mais elle fait partie d’un vaste plan de réformes qui conduiront à un effondrement des conditions matérielles d’existence pour le prolétariat et la jeunesse algérienne ; c’est d’abord la réforme de la santé qui commence à se mettre en œuvre avec la complicité active des syndicats autonomes dans la santé, avec à leur tête le représentant du SNPSP (syndicat national des praticiens de santé publique), Lyes Merabet, en concertation permanente avec le pouvoir pour finaliser la privatisation du système de santé publique et la liquidation des statuts des fonctionnaires de la santé. Cette réforme meurtrière se met en place, alors même que la pandémie fait des ravages dans la population comme parmi les personnels de santé, mettant à jour le manque criant de moyens et la nécessité d’embaucher massivement des personnels statutaires.
Dans le domaine de l’éducation, l’offensive est centrée sur la remise en cause du statut des enseignants. Là aussi, les dirigeants des organisations syndicales autonomes sont en dialogue permanent avec le régime et revendiquent un « statut » particulier pour les personnels de l’éducation, en lieu et place des revendications de ces derniers qui exigeaient le doublement de la valeur du point d’indice dans le cadre de leur mobilisation récente, une mobilisation qui montrait largement la disponibilité des personnels pour aller à la grève générale jusqu’à satisfaction de leurs revendications.
Dans le secteur public, il s’agit en réalité d’en finir avec le statut national de la fonction publique pour lui substituer les contrats précaires et l’exploitation sans limite des personnels.
A terme, ce sont des dizaines de milliers de postes de fonctionnaires qui sont menacés de disparition.
Pour ce qui est des entreprises publiques, il va s’agir de poursuivre les plans de privatisations en livrant à la bourgeoisie toutes les activités juteuses et en liquidant purement et simplement celles qui ne répondent pas aux standards en matière de profit.
Au plan économique, c’est l’ouverture sans réserve de l’économie à la voracité des trusts impérialistes. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’intervient le CNESE (Conseil national économique, social et environnemental). Cette instance de dialogue social, visant à associer les organisations syndicales à la mise en œuvre des réformes, s’est fendu d’un communiqué par le truchement de son président, ce dont le journal Liberté du 19 juin rend compte de la façon suivante :
« Le président du Conseil national économique, social et environnemental (Cnese), Rédha Tir, a appelé, avant-hier à Alger, à exploiter davantage les traités bilatéraux d'investissement, afin d'augmenter l'attractivité de l'Algérie vis-à-vis des investisseurs privés étrangers, tout en protégeant les intérêts algériens et des partenaires étrangers dans le cadre de contrats d'État.
Le président du Cnese a considéré les traités bilatéraux d’investissement comme “les ingrédients de la réussite” de notre ouverture sur le monde à travers l’augmentation de l’attractivité de l’Algérie vis-à-vis des investisseurs étrangers, déplorant que “sur les 43 traités bilatéraux d’investissement signés par l’Algérie, beaucoup ne sont pas exploités”.
Rédha Tir estime que l’Algérie a besoin de la technologie et des fonds étrangers pour la mise en place de nouveaux investissements et d’utiliser ces traités en faveur des opérateurs algériens.
Il a indiqué que les contrats d’État visent à “conférer une sécurité juridique effective aux investisseurs étrangers”, ajoutant que la sécurisation du partenaire étranger participe à la construction du nouvel écosystème algérien. Ce qui aura pour répercussion de fidéliser les investisseurs étrangers en assurant une stabilité juridique qui permet de les protéger. »
En réalité, c’est la soumission sans réserve aux appétits des puissances impérialistes. La règle des 51-49, qui constituait un des derniers obstacles symboliques au pillage des ressources essentielles du pays, est aujourd’hui sur le point de disparaître, avec la bénédiction de Tebboune qui s’exprimait dans une interview le 2 juin 2021 au journal français Le Point :
« Pour ce qui est de la règle 51-49% régissant l'investissement étranger, levée pour une bonne partie des secteurs et maintenue exclusivement pour les secteurs stratégiques, le Président Tebboune a assuré que cette règle, lorsqu'il s'agit d'investir dans les hydrocarbures, “ne gêne personne”. “Ajoutez à cela, un pays solvable non endetté et qui compte 45 millions de consommateurs”», a-t-il soutenu. »
Ces quelques éléments donnent un aperçu de la feuille de route du régime. C’est une avalanche de mesures visant à réduire à sa plus simple expression la valeur de la force de travail, c’est la menace de disette pour une majorité de la population, etc. L’élection législative visait à donner les coudées franches au régime pour faire adopter les réformes. Tebboune dispose de cette assemblée composée de députés serviles. Mais le soutien de cette assemblée discréditée ne suffit pas à Tebboune pour parvenir à ces fins. Il lui faut absolument s’appuyer sur la collaboration inconditionnelle des dirigeants des appareils syndicaux. En décidant d’intégrer des représentants des organisations syndicales autonomes au Conseil économique, social et environnemental pour les associer aux réformes, Tebboune franchit un pas vers la tentative d’intégration de ces organisations. Concernant l’UGTA, il peut compter sur l’appui inconditionnel de son secrétaire général Labatcha qui déclarait à la veille des élections, alors que la lutte des classes faisait rage dans des secteurs comme la poste, les impôts, l’éducation, les sapeurs pompiers et la santé : « ces plans malveillants qui incitent les travailleurs algériens à aller vers la manifestation sous le couvert des libertés syndicales et à défendre le droit des travailleurs ont des objectifs pour déstabiliser l'Algérie. Le ministère du Travail doit frapper d'une main de fer et assainir l'arène syndicale des intrus et des organisations illégales »
A mesure que la situation se tend, les dirigeants des appareils syndicaux bandent toutes leurs forces en soutien au régime, n’hésitant pas à envisager l’affrontement direct avec les travailleurs. La déclaration de Labatcha en est l’expression achevée.
Comme l’écrit Léon Trotsky dans sa brochure Les Syndicats à l’époque de la décadence impérialiste » datée d’août 1940 :
« Dans les pays fascistes et semi-fascistes, tout travail révolutionnaire ne peut être qu'illégal et clandestin. Il est nécessaire de nous adapter nous-mêmes aux conditions concrètes existant dans les syndicats de chaque pays afin de mobiliser les masses, non seulement contre la bourgeoisie, mais aussi contre le régime totalitaire régnant dans les syndicats eux-mêmes et contre les leaders qui renforcent ce régime.
Le mot d'ordre essentiel dans cette lutte est : indépendance complète et inconditionnelle des syndicats vis-à-vis de l'Etat capitaliste. Cela signifie : lutte pour transformer les syndicats en organes des masses exploitées et non en organes d'une aristocratie ouvrière.
Le second mot d'ordre est : démocratie dans les syndicats.
Ce second mot d'ordre découle directement du premier et présuppose pour sa réalisation la complète liberté des syndicats vis-à-vis de l’État impérialiste ou colonial.[...]
Les syndicats de notre époque peuvent ou bien servir comme instruments secondaires du capitalisme impérialiste pour subordonner et discipliner les travailleurs et empêcher la révolution, ou bien au contraire devenir les instruments du mouvement révolutionnaire du prolétariat. »
Dans sa lutte révolutionnaire pour en finir avec le régime, la classe ouvrière algérienne devra nécessairement se confronter à la question de la réappropriation de ses syndicats. Elle a déjà tenté de le faire notamment pour l’UGTA. Ce combat, elle devra inévitablement le reprendre pour expulser de ses syndicats, les Labatcha et consorts, ces traîtres, qui sont purement et simplement des agents au service de la bourgeoisie et de l’impérialisme. Cette lutte est indispensable pour faire en sorte que les syndicats deviennent « des instruments du mouvement révolutionnaire du prolétariat ».
Face à l’ampleur des attaques programmées par le régime, la classe ouvrière devra engager et engagera nécessairement le combat pour en finir avec le régime et ses institutions. Elle a montré sa disponibilité au combat à travers les dernières mobilisations de classes qui ont eu lieu à la veille des élections (postes, impôts, pompiers, éducation nationale, santé, etc.)
Elle devra combattre en se donnant tous les moyens pour imposer la rupture du dialogue social entre les dirigeants des centrales UGTA et CSA et le régime. Dans ce combat elle sera nécessairement amenée à demander des comptes aux bureaucrates syndicaux qui restent encore l’un des deux remparts pour le régime, avec les organes de répression qui déploient une violence rarement égalée contre les travailleurs, la jeunesse et les militants politiques et syndicaux.
Dans l’immédiat, la classe ouvrière doit se mobiliser sur l’axe suivant :
A BAS LE RÉGIME ET SES INSTITUTIONS ! A BAS L’ASSEMBLÉE ILLÉGITIME ET SES DÉPUTES CROUPIONS !LIBÉRATION IMMÉDIATE DE TOUS LES PRISONNIERS POLITIQUES !ARRÊT DE LA RÉPRESSION, DÉFENSE DES DROITS DÉMOCRATIQUES !RUPTURE IMMÉDIATE DU DIALOGUE AVEC LE RÉGIME (en particulier avec le gouvernement issu de ces élections) !ASSEMBLÉE NATIONALE SOUVERAINE ! |
Pour cela la classe ouvrière devra engager le combat pour imposer aux directions de l’UGTA et de la CSA qu’elles quittent le Conseil national économique, social et environnemental, et toutes les instances de dialogue social, pour qu’elles réalisent le front unique pour combattre et affronter le régime et pour la satisfaction des revendications.
C’est sur cette orientation que les militants de Maghreb socialiste combattent pour regrouper une avant-garde qui partage ces objectifs.
Pour tout contact : maghrebsocialiste@free.fr