Déclaration le 28 février 2019
cliquez ici pour le PDFDepuis vendredi, on assiste partout en Algérie à une déferlante de manifestations avec une exigence : en finir avec le régime. Ces manifestations ont lieu sous les mots d’ordre : Non au cinquième mandat ! Dehors Bouteflika (et Saïd) ! Pouvoir assassin ! Ce mouvement vient de loin : les dernières élections législatives avaient déjà été marquées par une abstention massive ; des élections accompagnées par des manifestations tendant à un boycott effectif dans certains secteurs de la classe ouvrière. Ce mouvement s’appuie aussi sur l’intense lutte de classe du prolétariat, (grève des médecins résidents qui a duré un an, mobilisations dans des bastions ouvriers comme El Hadjar mettant en cause la corruption du régime et des bureaucrates syndicaux complices, les innombrables mobilisations des étudiants et des enseignants...) Cette mobilisation n’en est sans doute qu’à ses débuts.
Tous ensemble, les travailleurs, la jeunesse, les intellectuels… défient une dictature.
Tous ensemble, en bravant les risques de répression, les travailleurs et la jeunesse sont sortis en masse pour exprimer leur rejet du régime. Le prolétariat s’est mobilisé spontanément, en veillant par ailleurs à éviter toute provocation pouvant venir du pouvoir. D’ores et déjà, celui-ci se dispose pour affronter les masses ; c’est le sens de l’intervention du chef d’état major des armées qui a affirmé, menaçant : « Du fait de ses missions constitutionnelles, l'Armée considère que toute personne appelant à la violence de quelque manière que ce soit et quels qu'en soient l'argument et les conditions est une personne qui ignore ou qui feint d'ignorer les aspirations du peuple algérien à vivre en paix et en sécurité. »
Ce qui est à l’ordre du jour, c’est la chute de ce régime à l’agonie !
La candidature de Bouteflika est une tentative désespérée d’un régime aux abois. La faction dirigeante n'a pas d'autre solution pour repousser les échéances face au chaos final qui se profile dans le contexte économique et social présent.
Appuyée par le RND, le FLN, le FCE mais aussi la direction de l'UGTA, cette candidature constitue une tentative de maintien de l'ordre en place et vise à souder les clans en présence autour d'un Bonaparte. Mais en guise de Bonaparte, le régime ne peut fournir qu’un demi-cadavre ! Cette décision accentue le développement de forces centrifuges au sein du sérail.
En réalité, l'impasse dans laquelle se trouve le régime doit être mise en lien avec l’inquiétude qui les taraude quant à l'irruption des masses sur le terrain de la lutte des classes. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le régime propose dans la foulée de l’élection, la convocation d’une conférence nationale dont la fonction évidente est d’une part de tenter de dresser un cadre d’union nationale, contre le prolétariat, d’autre part de franchir un nouveau palier dans la politique de saccage des droits sociaux, de pillage des ressources au profit de la bourgeoisie algérienne et des impérialismes auxquels le pouvoir est inféodé. Mais au bout du compte, c’est l’impasse : impasse au sommet de l’État avec une crise de régime qui continue à se développer, impasse parce que l’hypothèse du surgissement de larges masses s’est confirmée de façon éclatante !Alors que faire ?
Il ne fait aucun doute que l’ampleur de la mobilisation spontanée a d’ores et déjà ébranlé les fondements du régime. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est de parvenir à ce que le prolétariat prenne la direction de l’organisation du combat, en imposant aux directions des organisations ouvrières (UGTA et syndicats autonomes) qu’elles prennent en charge le combat pour la satisfaction des revendications.
Il va sans dire qu’il existe un gouffre entre les dirigeants syndicaux et les travailleurs syndiqués dans ces organisations ; c’est particulièrement vrai à l’UGTA, dont la direction qui, par la voix de Sidi Saïd, a ouvertement affirmé contre les manifestants son soutien au régime. Elle est en bute à une contestation quotidienne de la part des syndiqués, comme cela s’est manifesté très récemment à Annaba et à Adrar. L’organisation du combat nécessite donc que les travailleurs se réapproprient leurs centrales syndicales pour imposer un véritable front unique. Les syndicats n’appartiennent pas à leurs dirigeants, ils appartiennent aux travailleurs ! Les dirigeants doivent se soumettre ou se démettre !
C’est de cette façon que pourront se dégager une perspective et une solution ouvrière à la crise. Il est aujourd’hui impératif d’imposer le front unique UGTA et syndicats autonomes, pour organiser la centralisation du combat au compte du prolétariat et de la jeunesse.
Il faut imposer le front unique dans la perspective d’un appel à la grève générale et d’une manifestation centrale à Alger sur les mots d’ordre :Celle-ci implique que soient garantis les droits démocratiques sans aucune limitation ni condition : droit de réunion, d’expression, droit de constituer des syndicats et des partis, droit de grève, reconnaissance pleine et entière de la langue et de la culture amazigh, abrogation du code de la famille... Elle implique aussi que soit immédiatement mise fin à toute forme de répression.
Face à l’inflation : échelle mobile des salaires
Face au chômage : échelle mobile des heures de travail (partage du travail entre toutes les mains disponibles, sans diminution de salaire)
Face au pillage perpétré par les différentes franges de l’oligarchie : nationalisation ou renationalisation immédiate des grands moyens de production sans indemnités ni rachat
Face à la spéculation et aux accapareurs : établissement du monopole de l’état sur le commerce extérieur
Face au pénuries alimentaires : une réforme agraire restituant la terre aux fellahs
Il va de soi que seule l'expropriation du capital, à commencer par l'expulsion des trusts impérialistes (français, américains, chinois...) permettra aux masses algériennes d'organiser la production en fonction de leurs seuls besoins, d'élaborer un plan de production leur permettant dans tous les domaines d'y répondre.
Pour un tel programme, la classe ouvrière et la jeunesse ont besoin d’un parti ouvrier révolutionnaire, combattant pour un véritable gouvernement ouvrier, engageant le démantèlement du tentaculaire appareil de répression, expulsant la caste parasitaire et corrompue qui gouverne aujourd’hui l’Algérie sous la houlette des puissances impérialistes.
L'émancipation des travailleurs algériens doit passer par la coopération fraternelle avec le prolétariat de Tunisie et du Maroc qui ont montré leurs capacités révolutionnaires, le premier en chassant Ben Ali, le second en engageant, malgré une dure répression, de puissantes luttes de classe contre la monarchie. Le programme d’un gouvernement ouvrier en Algérie s’inscrit nécessairement dans le combat pour les États unis socialistes du Maghreb.
C'est dans cette perspective que s’inscrivent les rédacteurs de « Maghreb socialiste ».
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