Ils étaient des millions à manifester à l’occasion de la commémoration du 1er novembre 1954. Une démonstration magistrale de la classe ouvrière et la jeunesse pour tous ceux qui escomptaient un quelconque essoufflement. Et ce, malgré toutes les intimidations et mesures de répression de la part du régime. Parmi les mots d’ordre, le combat pour une « seconde indépendance », pour chasser le régime comme ont été chassés les colons en 1962. Au centre des slogans figurait le rejet de l’élection du 12 décembre ! Aujourd’hui, la question centrale qui se pose est la suivante :
Il est incontestable que les masses algériennes, travailleurs, étudiants, jeunes ont fait la preuve de leur disponibilité, de leur détermination à faire en sorte que l’élection n’ait pas lieu. Ils veulent en finir avec le régime, et ils savent que cela passe aujourd’hui par la non-tenue de cette élection. Ils l’ont spontanément exprimé à travers le verrouillage des bureaux d’enregistrement des listes électorales, ils l’ont récemment exprimé en conspuant les prétendants (Benflis à la sortie d’un restaurant à Alger, le représentant de Tebboune à Annaba) et il ne fait aucun doute que cela se reproduira à chaque sortie des candidats de la bande. D’ores et déjà on peut dire, sans prendre de grands risques, que la campagne électorale n’aura pas lieu ou devra être encadrée par un dispositif sécuritaire sans précédent.
La puissance du mouvement spontané de la classe ouvrière et de la jeunesse montre qu’intuitivement ces dernières perçoivent que la date du 12 décembre devient cruciale à mesure que l’échéance approche, et c’est ce qui explique l’intensification de la mobilisation contre tous les symboles d’un régime corrompu et au service de l’impérialisme.
En se rendant à l’Assemblée nationale au moment de l’examen de la loi sur les hydrocarbures, les travailleurs et les jeunes, tout en cherchant à défendre pied à pied leurs conditions élémentaires d’existence - ce qui suppose que soit notamment mis fin au pillage des ressources naturelles du pays -, s’en prennent à une des trois principales institutions (voir plus bas), symbole de ce régime de soumission et de corruption. Le lien est fait entre les revendications sociales et le combat politique pour en finir avec le pouvoir en place et ses institutions.
Il serait vain de faire l’inventaire de toutes les grèves en cours dans le pays pour la défense de revendications catégorielles, comme dans l’enseignement primaire où, depuis plusieurs semaines, à partir d’un mouvement spontané, les enseignants sont en grève pour leur statut et pour la revalorisation de leur salaire. Ce mouvement a été dans un premier temps condamné par des syndicats autonomes, alors même que le ministre indiquait que les revendications des enseignants faisaient l’objet de concertations avec les partenaires sociaux depuis plusieurs mois !
On peut citer la grève dans le port d’Arzew qui traduit le fait que la classe ouvrière se mobilise sur sur son propre terrain, avec une grande détermination. Il faut noter que face à cette détermination, ce sont là aussi les responsables syndicaux qui se battent avec acharnement pour briser la grève. Ainsi, El Watan du 6 novembre indique : « Hier encore, dans l’après-midi, contacté par téléphone, M. Moussa de la section syndicale de l’entreprise EPA confirme la poursuite de la grève, mais ne peut en dire plus, car la réunion à laquelle il assistait n’était pas encore terminée. La veille, jusqu’en fin de journée, le même syndicaliste a déclaré qu’une réunion se tenait pour examiner les modalités d’assurer un service minimum. »
Dans de nombreux secteurs, des appels à la grève fleurissent, traduisant le surgissement de la classe ouvrière sur son propre terrain. A telle enseigne que les dirigeants syndicaux feignent d’accompagner ces mobilisations, à travers d’innombrables appels à des journées d’actions dans des secteurs comme l’enseignement, les banques, les assurances l’énergie...
Mais la classe ouvrière le sait : aucune issue n’est possible en matière de satisfaction des revendications sans la chute du régime. Elle sait surtout que ce qui est déterminant pour les semaines à venir, c’est que la mobilisation parvienne à interdire que se déroule le scrutin. Et de ce point de vue, elle refuse de tomber dans les pièges tendus par les dirigeants syndicaux qui, en lieu et place d’un appel au boycott, proposent des journées d’actions qui au mieux taisent cette exigence, au pire la combattent.
Quelques jours avant la mobilisation historique du 1er novembre, les dirigeants de la CSA préparaient une journée d’action appelée frauduleusement grève générale ; elle était appelée pour le 28 octobre. Il faut le dire clairement : cet appel se situait en tout point en soutien avec le régime et dans le cadre de la tenue des élections. Il suffit de s’y référer : « La CSA réitère, enfin, son appel à la nécessité de prendre des mesures et de fournir des garanties dans le cadre d’un consensus national, à même d’assurer le succès de tout processus électoral libre et transparent, et appelle tous les membres du mouvement populaire à être vigilants, à sauvegarder le caractère pacifique du mouvement, à œuvrer au renforcement de la cohésion du peuple algérien et à préserver l’unité nationale ».
Clairement, la classe ouvrière a saisi le piège en ne répondant pas à l’appel, à l’exception de quelques secteurs. Cette journée a fait un flop, traduisant le fait que l’intuition de la classe ouvrière la conduit à écarter les leurres et les entreprises de dévoiement.
Depuis, fleurissent de nombreux appels à la grève - parfois en apparence radicaux, comme celui de la Cosyfop appelant à 3 jours de « grève générale » - dont le trait commun est que, tout en prétendant soutenir le Hirak, ils n’avancent en aucun cas le mot d’ordre central du boycott des élections ! Pourtant la centralisation du combat autour de ce mot d’ordre est seule à même d’ouvrir une issue pour la chute du régime et la satisfaction des revendications démocratiques et sociales de la classe ouvrière et de la jeunesse. Car la crise de régime s’accentue.
Car ce n’est un secret pour personne, la justice est un instrument de l’état bourgeois. C’est particulièrement le cas en Algérie, où la pratique de la « justice du téléphone » est monnaie courante. Pourtant, pour la première fois, on a assisté à un mouvement de grève d’une ampleur inégalée puisque qu’il a duré dix jours et qu’il a touché l’immense majorité des membre de ce corps. Incontestablement, la pression du Hirak a conduit à cette mobilisation. Il a fallu que le régime réprime les magistrats à Oran, mais aussi que le « syndicat national des magistrats » rentre dans le rang...
La brèche a été provisoirement comblée, mais le régime est fébrile au point que lors du débat à l’Assemblée nationale sur la loi sur les hydrocarbures dans un hémicycle quasi désert, le bâtiment a été littéralement encerclé par la police pour empêcher les manifestants de s’y rendre. Ce qui n’a pas empêché les manifestants de faire sauter les barrages jusqu’au siège de l’Assemblée.
En réalité, aujourd’hui tout est possible. Mais la classe ouvrière est confrontée à un obstacle : la collusion des dirigeants syndicaux avec le régime.
Il ne fait aucun doute que les masses, dans leur immense majorité ne se rendront pas aux urnes. Mais l’abstention n’équivaut pas au boycott. Elle n’empêchera pas le pouvoir de se targuer de la légitimité des urnes (quand bien même elles seraient bourrées), pour se maintenir. La seule issue positive, c’est que l’élection n’ait pas lieu, que les masses en empêchent la tenue.
Pour cela il faut imposer aux dirigeants des organisations ouvrières, en premier lieu de la CSA, des structures de l’UGTA déterminées à combattre, du SNATEG, de la COSYFOP... :
Les militants regroupés autour de« Maghreb socialiste » n’ont pas d’autres intérêts que ceux des masses en lutte contre le régime.
C’ est pourquoi, ils militent :
Pour la chute du régime , la satisfaction de toutes les revendications démocratiques
En particulier l ’ élection d ’ une assemblée nationale souveraine
Pour la satisfaction des revendications ouvrières , ce que seule permettra la constitution d ’ un véritable gouvernement ouvrier, en en finissant avec la domination impérialiste , expropriant les grands groupes capitalistes , organisant la production en fonction du besoin des masses
Immédiatement, pour l’unité des rangs ouvriers, le front unique des organisations syndicales ouvrières ouvrant sur la constitution d’ une centrale ouvrière unique indépendante de l ’état et de la bourgeoisie , et démocratique
Pour la constitution d’ un véritable parti ouvrier