A l‘appel de L’EIT (Entente internationale des travailleurs et des peuples), constituée en 1991, se tiendra à Alger, les 27, 28 et 28 novembre prochains, une « conférence mondiale ouverte contre la guerre et l’exploitation ». Cette conférence sera accueillie par le Parti des travailleurs d’Algérie (PT), proclamé en 1990 (voir plus loin), et par l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA). A cette occasion, le PT a publié un texte intitulé Bienvenue à Alger.
L’examen de ce texte est donc une opportunité pour compléter notre article sur l’Algérie publié dans le numéro précédent de CPS (n° 40), notamment sur la politique du PT. Cela est d’autant plus utile que ce dernier a tenu son 6e congrès fin août 2010, donc dans le cadre de la préparation de la conférence mondiale ouverte. Mentionnons à ce stade que ce 6e congrès s’est déroulé sous les meilleurs auspices. Car, ainsi que le rapporte sans plus de commentaire Informations ouvrières (du 23 au 29 septembre 2010), qui le tire lui-même du journal La Tribune (du 28 août 2010), étaient présents (limitons-nous aux invités de marque) : « le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem (extrêmement attentif à l’allocution d’ouverture de Louisa Hanoune), de Seddik Chihab et Abdesselam Bouchouareb, du RND, de Mohamed Djemaa, du MSP (…), du secrétaire général de l’UGTA Abdelmajid Sidi Saïd (…), de l’ambassadeur de la République d’Iran », etc.
Rappelons qu’Informations ouvrières est le journal du POI, lui-même membre de l’EIT ; mais mentionnons que le « compte-rendu » qu’il donne du congrès du PT est uniquement fait de coupures de presse…
Le texte du PT, Bienvenue à Alger, indique pour commencer que la 8e Conférence mondiale ouverte (CMO) sera accueillie « par le PT et l’Union générale des travailleurs (UGTA) ». Oui, l’UGTA, dont l’appareil est totalement inféodé au pouvoir et historiquement intégré à l’appareil d’état.
Mais l’UGTA ne se contente pas « d’accueillir » la conférence ; elle fait aussi partie du comité d’organisation, ainsi que le précise Fraternité (journal du PT) du 31 mai 2010 :
« dans le cadre de la préparation de la CMO une rencontre du comité d’organisation (PT/UGTA) a eu lieu à Alger le 4 mai 2010 en présence de la secrétaire générale du Parti des Travailleurs, Mme Louisa Hanoune. L’UGTA était représentée par Hassen Djemane, ex-Secrétaire général de la CISA (Confédération internationale des syndicats arabes, ndlr) et Badredine Mohamed Lakhdar, chargé des dossiers économiques au niveau de l’UGTA ».
L’organe de l’EIT, Informations internationales Nouvelle série n° 11, du 11 juin 2010, publie un « bulletin de discussion préparatoire à la conférence mondiale ouverte contre la guerre et l’exploitation » qui reprend cette information
(voir http://www.scribd.com/doc/32859962/InforInter-11-380).
Le texte du PT Bienvenue à Alger rappelle ensuite, toujours en préambule, que 1551 responsables syndicaux (à l’échelle mondiale) ont soutenu l’appel pour la « conférence mondiale ouverte contre la guerre et l’exploitation ». Dans cet appel, on peut lire notamment :
« Partout, les responsables de la crise osent sommer les organisations ouvrières de renoncer à ce qu’elles sont, à leurs prérogatives : le droit à la grève, le droit de négocier, de contracter, le droit de défendre les intérêts particuliers du travail face au capital. Droits sans lesquels il ne saurait y avoir de démocratie.
Et pourtant, sur tous les continents, saisissant les organisations qu’elle a construites dans sa lutte de classe, la classe ouvrière cherche à préserver son existence même, dans les grèves, dans les manifestations, dans son refus acharné des guerres destructrices et dislocatrices.
Nous avons, dans chacun de nos pays et sur chaque continent des expériences, des traditions diverses, mais le refus de la guerre et de l’exploitation qui nous unit nous amène à considérer qu’il est urgent d’ouvrir cette discussion à l’échelle mondiale. »
« Ouvrir cette discussion « ? Mais de quelle discussion s’agit-il ? Il n’est évidemment pas question de celle qui aiderait à reconnaître ni la trahison des directions des syndicats ouvriers qui acquiescent aux « sommations » des « responsables de la crise », ni leur collaboration avec les gouvernements bourgeois pour sauver le capitalisme et donc aider ces derniers à mettre partout en œuvre des plans anti-ouvriers meurtriers. Ne faut-il pas voir dans cette absence de « discussion » la raison pour laquelle les responsables syndicaux, à commencer par ceux de l’UGTA, semblent si nombreux à apporter leur soutien à la CMO ?
Nous verrons notamment ce qu’il en est à propos de la politique de ladite UGTA (qui a soutenu Bouteflika à chacune de ses campagnes électorales, en 1999, 2004 et 2009), ne serait-ce que dans le cadre d’une « présentation, même succincte, de la situation de la classe ouvrière algérienne et de ses luttes » à laquelle nous invite le texte Bienvenue à Alger.
Disons-le d’emblée : ce texte est un soutien total, ouvert à Bouteflika et donc à ses exécutants et à ses commanditaires. Pour preuve ? On peut y lire que : « grâce à un processus de paix et de réconciliation nationale, exclusivement algérien, l’Algérie recouvre progressivement la sérénité et les conditions normales de vie, ce qui a permis par la conjugaison d’une mobilisation populaire initiée par le PT (nous le verrons…), et la volonté politique au sommet de l’Etat (encore merci Monsieur le Président), la réappropriation en 2006, de la nationalisation des hydrocarbures, puis le gel des décisions portant privatisation des banques publiques en 2007. ».
On comprend pourquoi l’UGTA peut non seulement souscrire à un tel texte mais participer et prendre en charge cette « Conférence ouverte ».
Il faut tout de suite s’arrêter sur la « sérénité et les conditions normales de vie » retrouvées « grâce à un processus de paix et de réconciliation nationale » que le texte du PT met en avant. C’est avec indignation que les travailleurs et les jeunes Algériens liront de telles déclarations !
Peut-on soutenir sans cynisme que les travailleurs Algériens vivent aujourd’hui dans des « conditions normales » ? Demandons à ceux de la SNVI et de Rouiba, à ceux d’Arcelor-Mital, aux personnels hospitaliers, aux communaux, aux cheminots, aux familles entassées dans de véritables trous à rats, s’ils vivent dans des « conditions normales » ! Laissons le PT leur expliquer qu’ils vivent dans des « conditions normales », à ces 35 % de chômeurs, aux jeunes « harragas » qui cherchent à quitter le pays au péril de leur vie sur des embarcations de fortune, aux émeutiers qui n’en peuvent plus de la vie chère et des salaires de misère, aux personnels, ouvriers, jeunes qui se font matraqués parce qu’ils manifestent pour défendre leur existence !
Car les travailleurs et les jeunes, l’ensemble de la population laborieuse, cherchent désespérément à combattre contre la dégradation de leurs conditions de vie (voir CPS n ° 40), contre la politique de l’UGTA et celle du PT.
Le texte nous annonce une « présentation succincte de la situation de la classe ouvrière algérienne et de ses luttes ». Il faut reconnaître qu’elle n’est pas seulement succincte : elle est mensongère.
Que nous parle-t-on du chômage massif et du blocage des salaires, des jeunes condamnés à des emplois précaires, de la vie chère ? Voilà des mois que des grèves de grandes ampleurs mobilisent les travailleurs du public et du privé, les métallos, les dockers, les enseignants, les hospitaliers, les communaux, ou encore les cheminots. Tous ces mouvements aspirent à combattre le gouvernement, qui est un gouvernement bourgeois - ça, Bienvenue à Alger ne le dit pas -, et pour cela tendent vers la grève générale. La présentation, certes « succincte », ne le dit pas non plus.
Car analyser la situation de cette manière impliquerait d’évaluer ce qui fait obstacle au combat de la classe ouvrière, ce que nous ne trouvons pas dans ce texte, mais ce qu’ont clamé les travailleurs de la SNVI : « l’UGTA nous a vendus ! (…) Nous dénonçons Sidi Saïd et son staff ! », l’UGTA qui, en signant le Pacte économique et social avec le pouvoir en 2006, avait confirmé qu’elle lui était totalement inféodée et qu’elle ferait respecter ce Pacte.
Comme nous l’avons écrit dans notre précédent article sur l’Algérie (voir CPS n° 40), les prolétaires qui combattent, non seulement ne font pas confiance à l’UGTA, mais de surcroît s’opposent à elle, conscients qu’elle agit contre eux. Pendant ce temps, le PT parle de « manipulation » (de « l’étranger » sans doute) : «je suis en droit de me poser la question de savoir qui est derrière cette situation et qui manipule la détresse des travailleurs » (Louisa Hanoune). Le PT est l’allié de l’UGTA et du pouvoir.
Comment dès lors ne pas être outré quand on lit dans Bienvenue à Alger : « Le PT, dans le respect de l’indépendance et des missions des organisations syndicales, apporte son aide et son soutien à toutes les luttes ouvrières, sur le terrain syndical et par le biais de son groupe parlementaire à l’Assemblée populaire nationale. Et chaque fois que la situation le permet, des actions communes sont menées conjointement par le PT et l’UGTA.»
Bienvenue à Alger ose prétendre que « les cheminots ont déclenché à leur tour une grève et ont pu arracher, avec le soutien de la direction de l’UGTA » (nous soulignons), alors que cette grève massive (principalement pour les salaires) a été déclenchée sans l’aval de l’UGTA et alors même que la direction de l’UGTA et celle de la Fédérations nationale des cheminots (FNC, affiliée à l’UGTA) s’y opposaient !
Mais revenons maintenant sur cette fameuse « réconciliation nationale » dont le PT vante haut et fort les mérites. Le référendum de 1999 sur la « Concorde civile » avait obtenu près de 99 % de oui : un véritable plébiscite pour Bouteflika, la question soumise aux électeurs étant sans équivoque : « êtes-vous pour ou contre la démarche du président de la République visant à la réalisation de la paix et de la concorde civile ? ». Position du PT (comme celle du FFS d’ailleurs) : abstention. A l’assemblée nationale, aucun député ne vota contre la loi de « la concorde civile » (on releva 16 abstentions…).
Six ans plus tard, en septembre 2005, la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » est aussi soumise à référendum. Elle est adoptée avec plus de 97 % des suffrages exprimés. Le pouvoir indiquait alors que le taux de participation avait atteint 80 % à l’échelle nationale. En Kabylie, où le FFS et le RCD avaient appelé au boycott, la participation était de quelque 9 % dans la wilaya de Tizi Ouzou, de 7 % dans celle de Béjaïa… Pour parvenir à ce « oui massif », il fallut le soutien du FLN et du RND, majoritaires à l’Assemblée nationale et aux ordres du pouvoir. Le PT, affilié à l’Entente internationale des travailleurs et des peuples, appela aussi à voter oui.
A quoi est donc destinée cette « réconciliation nationale » ? C’est une évidence : à couvrir les responsables des massacres commis contre le peuple algérien, à étouffer la vérité sous la chape de l’union nationale, à « interdire que soit mise en lumière la responsabilité de la hiérarchie militaire, des services de sécurité, de la police, de la gendarmerie, des milices armées par le pouvoir, de la justice et de tous les rouages de l’appareil d’état bourgeois dans les massacres de plus de 200 000 Algériens depuis 1992 et dans la disparition de milliers d’autres » (CPS n° 27 nouvelle série, janvier 2007). Pour preuve ? Rappelons quelques extraits du texte « portant convocation du corps électoral pour le référendum du jeudi 29 septembre 2005 relatif à la réconciliation nationale » :
« Article 1. Reconnaissance du peuple algérien envers les artisans de la sauvegarde de la république algérienne démocratique et populaire
Le peuple algérien tient à rendre un vibrant hommage à l’Armée nationale populaire, aux services de sécurité ainsi qu’à tous les Patriotes et citoyens anonymes qui les ont aidés, pour leur engagement patriotique et leurs sacrifices qui ont permis de sauver l’Algérie et de préserver les acquis et les institutions de la République. En adoptant souverainement cette charte, le peuple algérien affirme que nul, en Algérie ou à l’étranger, n’est habilité à utiliser ou à instrumentaliser les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’Etat, nuire à l’honorabilité de tous ses agents qui l’ont dignement servie ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international. » (souligné par nous) (…)
« IV. Mesures d’appui de la politique de prise en charge du dramatique dossier des disparus
Le peuple algérien rappelle (…) que le drame des personnes disparues est l’une des conséquences du fléau du terrorisme qui s’est abattu sur l’Algérie. (…) Le peuple algérien souverain rejette toute allégation visant à faire endosser par l’Etat la responsabilité d’un phénomène délibéré de disparition.» (souligné par nous)
Les textes d’application de la Charte insistent :
« Article 45 : Aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l'encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la Nation et de la préservation des institutions de la République algérienne démocratique et populaire. »
« Article 46 : Est puni d'un emprisonnement de trois à cinq ans et d'une amende de 250000 à 500000 dinars (25 à 50 000 euros) quiconque qui, par ses déclarations, ses écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l'Etat, nuire à l'honorabilité de ses agents qui l'ont dignement servie, ou ternir l'image de l'Algérie sur le plan international. »
Alors que la responsabilité des forces de sécurité et des milices armées par l’état dans les tortures, les « disparitions », les exécutions ne fait plus de doute, - « à une si grande échelle et de manière tellement systématique qu’elles constituent un crime contre l’humanité » (Amnesty International) -, le PT, lui, en votant oui à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et en s’en faisant l’apôtre, exonère et couvre les responsables de ces crimes.
Mais des centaines de familles de « disparus » ne l’entendent pas ainsi. Cinq ans encore après l’adoption de cette Charte, en septembre 2010, elles manifestaient à Alger, malgré l’interdiction, bravant le pouvoir et sa police, disant « non à l’impunité ; justice et vérité ». A cette occasion, le Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA) et SOS disparus révèlent dans une lettre que, depuis la mise en application de la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale », c’est-à-dire depuis 2005, les autorités ont cherché à faire pression sur de nombreuses familles pour les faire renoncer, et les contraindre à reconnaître que leurs proches étaient non pas « disparus », mais décédés. Le CFDA et Sos Disparus rappellent que « la solution prônée par le gouvernement algérien n’est autre qu’une habile manœuvre visant à faire déclarer les disparus décédés par jugement et clore ainsi le dossier des disparus ». En écho, Louisa Hanoune intervenant après le 6e congrès du PT prodiguait ses conseils :
"L'état ne doit pas avoir peur du dossier des disparus survenus en temps de guerre" (cité par Algérie actualités, 18 septembre 2010). « Survenus en temps de guerre » : somme toute, une circonstance atténuante…
Cependant, pour faire bonne mesure, le PT nous parle de « démocratie et de socialisme ».
C’est ainsi que nous apprenons opportunément dans ce même texte Bienvenue à Alger, que PT « lutte pour la démocratie et le socialisme « et qu’il mène un « combat acharné » (…) pour l’instauration d’une démocratie véritable ». Mais alors, pourquoi, par exemple, le PT ne dit-il pas un mot dans ce texte Bienvenue à Alger de l’état d’urgence qui continue à être de vigueur en Algérie, et cela pour la 18e année consécutive ? Le combat pour les libertés démocratiques ne doit-il pas commencer par exiger : A bas l’état d’urgence ! A bas le pouvoir totalitaire ! Droit d’organisation, de presse, de manifestation, alors que des journalistes qui osent mettre en cause le régime sont emprisonnés, que des manifestants sont matraqués, arrêtés ?
Le silence du PT sur cette question est assourdissant : il préfère nous parler de « démocratie » que de libertés démocratiques. Il a à cela une raison fort simple : le PT appelle à voter oui au référendum, il soutient la Charte, il fait ce qu’on lui dit. A l’inverse, ne serait-ce que pour la défense des libertés démocratiques, un parti ouvrier aurait appelé à voter non au référendum, à combattre pour la défense des libertés démocratiques ; à plus forte raison un parti qui s’est prétendu révolutionnaire. Mais le PT a choisi de se dévouer à la cause de la « souveraineté nationale ».
En 2005, Le PT, par la voix de Louisa Hanoune, justifiait son soutien ainsi : « la charte pour la paix et la réconciliation nationale est une démarche politique algéro-algérienne et elle offre des garanties pour venir à bout de la crise » ; la présidente du PT ajoutait que « l’important est que l’Etat prenne en charge les dossiers des disparus et des exilés, et de faire en sorte que les travailleurs, injustement licenciés, réintègrent leurs postes de travail ». En outre, à ses yeux, « la campagne pour le référendum (aidait) à la clarification, car il y avait trop de confusion auparavant ».
En réalité, « le combat acharné (du PT) pour la paix, la souveraineté nationale, en défense de la classe ouvrière et de la jeunesse, des conquêtes de l’indépendance et pour l’instauration d’une démocratie véritable » (Bienvenue à Alger) n’est qu’un habillage de son soutien au pouvoir.
Pour preuve ? « Ce référendum (dira Louisa Hanoune lors d’une conférence de presse après l’annonce des résultats) a permis au peuple algérien de renouveler son engagement pour l’unité, la sauvegarde de la souveraineté nationale ». Et d’ajouter que les résultats du référendum ouvrent de « nouvelles perspectives pour le peuple algérien, notamment dans le développement économique et l’emploi et consolideront le retour de l'Algérie sur la scène internationale ».
Pour couronner le tout, le PT affirmait, pas moins, que le président Bouteflika avait été « mandaté par le peuple pour prendre des mesures positives à même de restaurer la paix ». Il ajoutait : « Alors le président, le gouvernement, les institutions de la république ne doivent-ils pas démontrer, par des décisions hardies à la hauteur du message d’espérance du 29 septembre que le peuple algérien a eu raison de renouveler espoir et confiance ? » On voit ce que cela donne cinq plus tard, en 2010…
Voilà qui permet de comprendre le sens des formules comme « sauvegarde de la souveraineté nationale » ou « les intérêts de la nation et donc des travailleurs et de la jeunesse » : pour le PT, Bouteflika est le garant de la « souveraineté nationale » ! Il lui faut donc approuver sa politique économique et sociale, tout comme il a approuvé sa « Charte pour la paix et la réconciliation nationale ». Ce que fait aussi le texte Bienvenu à Alger.
Quatre ans après, en 2009, en conformité avec cette politique, le PT faisait alliance avec le RND ((Rassemblement national démocratique, le parti du Premier ministre) et le FLN à l’occasion des sénatoriales car « le PT fait front sur la base de positions communes (avec le RND, ndlr) au sujet de questions nationales » (voir CPS n° 40 nouvelle série). En vertu de cet accord, le PT appelait à voter pour les candidats du RND, partout sauf à Alger où ses faveurs allaient… au FLN. Plus qu’une alliance électorale conjoncturelle, il faut y voir « une attache avec l’alliance présidentielle à laquelle le RND, en sa qualité de membre à part entière, participe activement. » écrira le Soir d’Algérie.
L’une des conséquences, sinon le but de la manœuvre, est là encore de disculper le pouvoir algérien, premier responsable des conditions de vie et de travail des masses algériennes, de la corruption massive (des milliers de milliards de dinars), notamment à la Sonatrach, le cœur des « hydrocarbures », qui touche jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir. Comment ? En rendant responsable « l’étranger », un « complot de l’étranger qui vise à brader nos richesses » dira notamment Louisa Hanoune en parlant du projet de loi, précisément, sur les hydrocarbures.
Ce discours ne se distingue en rien de celui du FLN. Remarquons aussi qu’il est de même nature que celui que tient l’EIT (voir le supplément à CPS nouvelle série n° 25 : La politique du CCI-PT et de sa prétendue « IVe internationale » : un nouveau social-patriotisme). Les déclarations finales des conférences mondiales successives initiées par « l’Entente internationale des travailleurs et des peuples » en témoignent.
Celle de Madrid (2005) :
« dans un monde marqué chaque jour davantage par la guerre, l’occupation militaire, la remise en cause de la souveraineté des nations, le pillage, par la remise en cause des formes mêmes de la démocratie, y compris l’existence des nations, ce sont les bases même de la civilisation humaine qui sont menacées. » (nous soulignons)
Ensuite, celle de Berlin :
« la politique de l’Union européenne, c’est la déréglementation totale du marché du travail imposée à coups de directives à tous les gouvernements d’Europe (…) l’obligation faite aux gouvernements d’exécuter immédiatement les lignes directrices pour l’emploi qui impose par exemple « la flexibilité du marché du travail » (…) des milliers de directives que les gouvernements sont sommés (tiens, tout comme les directions syndicales ! – voir plus haut) d’appliquer (…) dévastation à laquelle Bruxelles interdit formellement aux gouvernements européens de d’opposer. »
Ce n’est pas seulement en Algérie, mais aussi en France, que l’EIT appelle à combattre pour « la reconquête de la souveraineté de la Nation », avec pour corollaire une plaidoirie disculpant les gouvernements bourgeois.
Bienvenue à Alger attire notre attention sur le fait que « le PT, qui lutte pour la démocratie et le socialisme, se réclame de la continuité du combat du Parti du peuple algérien (PPA) fondé en 1937 et qui avait été le premier parti algérien à poser la revendication de l’indépendance de l’Algérie à l’égard du colonialisme français, assortie de l’élection d’une Assemblée Constituante consacrant la souveraineté nationale. »
Revenons dans ce paragraphe sur la question de l’Assemblée nationale souveraine. Dans le supplément au CPS n° 39 ancienne série (septembre 1991), Stéphane Just expliquait :
« Dans la lutte pour les libertés démocratiques lancer en Algérie le mot d'ordre "pour une Assemblée Nationale Souveraine" est indispensable. Mais pourquoi ? En raison de l'arriération politique d'un pays qui n'a jamais connu d'autre régime politique que celui dicté par l'impérialisme français au temps de la colonisation et, après l'indépendance politique, que celui totalitaire du FLN. Les masses en même temps qu'elles aspirent aux libertés démocratiques élémentaires, aspirent à avoir une représentation nationale souveraine qu'en l'état de leur expérience politique elles n'imaginent que sous la forme d'une Assemblée Nationale élue au suffrage universel.
Parce que cela correspond à l'expérience politique actuelle des masses, parce que ce serait un bond politique en avant, il faut combattre pour une Assemblée Nationale Souveraine. Mais il faut en même temps se garder de répandre et de développer des illusions qui deviendraient des pièges. Au contraire il faut, autant que possible, dissiper les illusions. Que faudrait-il pour que cette Assemblée soit réellement Souveraine ? D'abord et avant tout: que soit détruit le pouvoir totalitaire et tous les organes étatiques de ce pouvoir: police, forces répressives de toutes sortes, justice, administration, etc... à tous les niveaux ; que cet appareil d'Etat soit remplacé par un autre issu du mouvement des masses et des organismes qui surgiront de ce mouvement.
Une Assemblée Nationale Souveraine, surtout compte tenu des rapports politiques existant actuellement en Algérie, ne satisferait pas les revendications économiques, sociales et politiques des masses. Au mieux ce serait un lieu d'affrontement entre les intérêts des différentes classes et couches sociales. Il faut mettre en garde les masses : un régime démocratique parlementaire bourgeois n'est pas viable en Algérie. Une Assemblée Nationale Souveraine ne serait qu'une transition : soit vers le retour à une dictature totalitaire (par exemple une République Islamique) ou vers la dictature du prolétariat. Le cas peu probable où à cette Assemblée siégerait une majorité ouvrière et paysanne favoriserait la constitution d'un Gouvernement Ouvrier et Paysan, pont vers la dictature du prolétariat. Pour que se dégage une telle majorité encore faudrait-il qu'il existe un puissant Parti Ouvrier. »
Le PT et le texte Bienvenue à Alger se situent à l’opposé de ces positions. Le PT mène actuellement une campagne pour la dissolution de l’Assemblé nationale populaire et l’organisation des élections législatives anticipées, tout en précisant que « le Président Bouteflika a voulu dissoudre le Parlement juste après la présidentielle de 2009, et organiser des élections législatives anticipées » (Louisa Hanoune après le congrès du PT, citée par City DZ magazine). « Hanoune a fait savoir que cette décision du Président est venue suite à des informations faisant état de concessionnaires automobiles et hommes d’affaires députés à l’APN en même temps, ce qu’elle dénonce. Sans pour autant s’étaler sur les causes ayant empêché cette dissolution, Louisa Hanoune est-elle si près du cercle de décision pour lâcher une telle information, qu’aucun responsable, qu’il soit politique ou haut fonctionnaire de l’Etat, n’a jamais osé divulguer ? (ibidem) »
Que l’on se rassure donc, l’idée de dissoudre, sinon l’initiative, vient de Bouteflika, lui qui s’oppose « aux concessionnaires automobiles et aux hommes d’affaires » ! Comme lui, Louisa Hanoune considère que « les institutions élues sont obsolètes » et plaident pour la dissolution du parlement, allant jusqu’à affirmer que des ministres et des députés FLN ou RND sont pour la dissolution du Parlement. Plus question bien évidemment d’Assemblée nationale souveraine.
Le texte Bienvenue à Alger exprime ouvertement le soutien total que le « parti des travailleurs », et avec lui le POI et « l’Entente internationale des travailleurs et des peuples », apporte à Bouteflika et à l’appareil de l’état totalitaire algérien contre les masses exploitées et opprimées. « La conférence mondiale ouverte contre la guerre et l’exploitation » qui se tiendra à Alger en fera de même. La présence et la participation active de l’UGTA en donnent la certitude.
Contre le « Parti des travailleurs », contre le pouvoir totalitaire et ses agents, les militants révolutionnaires doivent combattre pour la constitution d’un parti ouvrier armé du programme et de la stratégie de la révolution prolétarienne. Combattre pour un tel parti, qui ouvre la voie à la prise du pouvoir par la classe ouvrière en Algérie, reste un des objectifs prioritaires d’une organisation ou de militants trotskystes.