Depuis plusieurs mois, les étudiants en médecine d’Algérie se sont mis en grève à l’échelle nationale, avec occupation des campus, sit-in et d’imposantes manifestations dans les principales facultés de médecine du pays (Alger, Oran, Constantine, Sétif et Annaba…). Ils revendiquent une augmentation du nombre de postes en résidanat, l’homologation de leurs diplômes pour une reconnaissance internationale, une amélioration des conditions d’encadrement et de formation dans les centres hospitalo-universitaires (CHU), ainsi que des garanties d’emploi après leur formation.
Cette mobilisation s’est étendue aux médecins résidents, en grève également, mais aussi aux étudiants des Ecoles normales Supérieures, qui observent une grève nationale depuis plus de 3 semaines.
Dans la dernière décade de janvier dernier, une grève spontanée qui débute dans quelques lycées de grandes villes, s’étend au reste du pays, ce qui a provoqué une panique manifeste au Ministère de l’Education nationale auquel pourtant les dirigeants syndicaux du secteur et ceux de la Fédération des associations de parents d’élèves avaient apporté leur soutien contre l’audace des lycéens… La presse note qu’à « Alger, les lycéens se rassemblent devant leurs établissements, mais dans d’autres wilayas, comme Bejaïa, Sétif ou Biskra, ils ont manifesté dans la rue. », tandis que, par exemple à Bejaïa, les responsables du SNTE (Syndicat national des travailleurs de l’éducation) et du Cnapeste (Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique), appelaient les lycéens « à rentrer en classe » et même « à identifier les instigateurs de ce mouvement ». Quant aux associations de parents, elles n’ont pas hésité à parler de « protestations suspectes », et de« déstabilisation » orchestrées sur les réseaux sociaux…
La mobilisation des jeunes a de quoi inquiéter le gouvernement. Car elle a pour cause des revendications légitimes pour l’amélioration de leurs conditions matérielles d’études et pour obtenir des garanties concernant leur avenir professionnel. Or ces revendications se heurtent directement aux réformes dictées par la feuille de route de Tebboune. D’une manière plus générale, cette mobilisation démontre que, confrontées à des conditions matérielles d’existence de plus en plus précaires, les masses, le prolétariat et la jeunesse, n’ont pas d’autre alternative que de combattre, même dans ces conditions des plus défavorables.
Car le paradoxe de la situation actuelle réside dans le fait que ces mobilisations de la jeunesse lycéenne et étudiante ont lieu dans des conditions politiques difficiles, où le rapport des forces entre la classe ouvrière et la classe capitaliste et son gouvernement bourgeois est largement favorable à la classe bourgeoise aux commandes de toutes les institutions et à son Etat militaro-policier.
Depuis l’enterrement du Hirak suite à l’élection de Tebboune en décembre 2019 – qui, écrivions-nous dans Maghreb socialiste, « a fait l’effet d’un rouleau compresseur sur les masses, conduisant au démantèlement méthodique de toute entrave au pillage économique à travers les privatisations, la livraison de ce qui relevait du domaine public aux appétits des puissances impérialistes » - le prolétariat et la jeunesse d’Algérie ont essuyé de nombreuses et cuisantes défaites, au terme de difficiles mobilisations, comme dans l’Education nationale, ou parfois pratiquement sans aucun combat, comme lors du vote par le Parlement des lois antisyndicales et antigrèves en février 2023. La réélection de Tebboune pour un deuxième mandat sans aucun accroc, en septembre 2024, ne faisait que confirmer et amplifier cette situation, alors que les conditions matérielles d’existence des plus larges masses ne cessent de se détériorer (voir nos articles du 27 octobre 2023, et des 4 juin et 26 septembre 2024 sur le site Maghreb socialiste).
A ce constat, s’ajoute une répression grandissante, permanente. Militants, journalistes, jeunes, simples utilisateurs des réseaux sociaux sont victimes de nouvelles dispositions prévues par le nouveau code pénal adopté en mai 2024, quelques mois avant l’élection présidentielle. De nombreuses figures du Hirak croupissent en prison ou ont dû s’exiler. La plupart des manifestations sont interdites, réprimées. Pendant ce temps, un nouveau décret signé par Tebboune autorise les officiers à « occuper certaines fonctions supérieures de l’État au sein des secteurs stratégiques et sensibles en termes de souveraineté et d’intérêts vitaux pour le pays »… Un cadeau supplémentaire pour les généraux qui exercent partout leur contrôle…
Dans la semaine qui a suivi la rencontre du 19 octobre 2024 entre le ministre Baddari et les pseudo « représentants des étudiants des différentes facultés de sciences médicales » (voir plus loin), sur instruction du même ministre, les doyens des universités ont saisi les cours de justice locales qui n’ont pas manqué de déclarer les grèves illégales avec pour corollaire une véritable chasse à l’homme dans les campus menée contre les organisateurs de la grève menacés alors d’être exclus de l’université. Sur le coup, cela a eu pour effet d’accentuer la colère et de renforcé la mobilisation dans la plupart des universités, mais force est de constater qu’avec le temps, ces mesures répressives ont joué en faveur de la démobilisation.
Tout récemment, Charaf Eddine Talhaoui, le représentant des étudiants en médecine en grève de la faculté de médecine de Tlemcen, a été interpelé et incarcéré dimanche 2 février 2025. L'étudiant a été arrêté le 28 janvier 2025, devant la résidence universitaire de Tlemcen, et selon ses camarades qui ont relayé l’information sur les réseaux sociaux, « des individus en tenue civile à bord de trois véhicules ont emmené Charaf Eddine Talhaoui ». Sa famille est restée sans nouvelles de lui pendant cinq jours.
Tel est le contexte dans la grève des étudiants en médecine puis celle des lycéens se sont déclenchées. Et cela est d’autant plus remarquable, que l’Algérie ne fait pas exception. A l’échelle internationale, on ne peut que constater les reculs de la classe ouvrière, avec pour cause première la politique des directions traîtres du mouvement ouvrier.
Dans quasiment tous les pays, les gouvernements au service de la bourgeoisie en crise s’en prennent de manière systématique aux acquis sociaux et politiques de la classe ouvrière et de sa partie la plus faible, les travailleurs immigrés, des coups qui s’accompagnent de budgets militaires et de répression en augmentation, quand ce n’est pas à une économie de guerre.
La récente élection de Trump aux États-Unis, avec Musk comme bras droit, et les premiers décrets pris par leur administration, en sont l’expression la plus violente : chasse aux immigrés, attaques contre les libertés démocratiques et syndicales, contre le droit de grève, contre les conditions d’existence des masses.
« Sans tabou », Trump ne vient-il pas de déclarer qu’il souhaite « prendre le contrôle de Gaza », où les morts et les blessés se comptent par centaines de milliers, où les bâtiments, hôpitaux, écoles sont détruits à 90% après la guerre génocidaire qu’y mène l’entité sioniste raciste depuis plus d’un an, pour « le nettoyer de sa population » (juste « une expression malheureuse » pour Tebboune dans sa récente interview) et favoriser ainsi le projet sioniste de « grand Israël » ? Dans cette logique, Trump vient d’apporter son soutien aux colons meurtriers et encourage l’annexion de ce qu’il reste des territoires occupés de Cisjordanie…
Mais il faut le constater, la mobilisation des étudiants en médecine vient de loin. Déjà en 2017, « les étudiants de médecine dentaire de l'université de Tizi-Ouzou (…) une grève de la faim illimitée. (…) Ce mouvement (…) est suivi également dans sept des neuf départements de médecine dentaire du pays », indiquait Le Matin du 12 mars 2017.
Le 7 janvier 2018, 500 médecins-résidents se rassemblaient dans l’hôpital Moustapha Bacha à Alger, le plus important de la capitale, pour l’abrogation du service civil et militaire. Depuis deux mois, les médecins-résidents étaient en grève générale. Ils manifestaient aussi dans les rues de Constantine avec la même revendication. En mars de la même année, rapporte le journal La relève en date du 28 mars 2018, « les médecins généralistes ont été rejoints par des étudiants en médecine et des spécialistes de plusieurs hôpitaux dans leur mouvement entamé voilà quatre mois à Alger et dans d’autres grandes villes du pays. Le porte-parole des grévistes, Mohammed Toualeb, a déclaré que “nos collègues étudiants et nos collègues spécialistes ont décidé d’exprimer leur soutien en rejoignant la grève”, notant que “le gouvernement est incapable de répondre à nos demandes”».
Maghreb socialiste pour sa part, sur notre site, en rendait compte de la manière suivante le 10 janvier 2018 :
« (…) des manifestations ont éclaté dans plusieurs villes, en Kabylie mais aussi jusques dans les banlieues d’Alger contre la loi des finances et ses conséquences immédiates. Certaines ont donné lieu à une répression féroce. Des grèves se développent dans de nombreux secteurs, chez les médecins-résidents, dans les lycées, les universités… Personne ne doute de la volonté des travailleurs et des jeunes de combattre cette politique malgré les intimidations et les obstacles (…) Les récentes manifestations des médecins-résidents à Alger, Constantine ou Oran, entre autres, l’ont montré. Malgré la répression, leur grève et leur manifestation dans les grandes villes du pays se renforcent. D’autres corporations, comme les enseignants-chercheurs hospitalo-universitaires cherchent à se joindre à leur mouvement. Les grèves se multiplient partout dans le pays, dans tous les domaines. (…) »
Le prolétariat, la jeunesse dans son ensemble se levaient contre l’état bourgeois militaro-policier, contre le 5e mandat, un mouvement révolutionnaire prolétarien, le Hirak, qui devait aboutir au renversement de Bouteflika et qui trouvait un écho dans le prolétariat et la jeunesse à l’échelle de tout le Maghreb et du monde entier.
Les étudiants allaient jouer un rôle d’avant-garde majeur au compte de la classe ouvrière jusqu’au bord du déclenchement de la grève générale, pour « en finir avec le régime », comme le proclamaient les manifestants chaque semaine, une perspective entravée, combattue par tous les appareils traîtres, petits et grands, piliers des institutions (partis politiques du pouvoir, organisations de la magistrature, la centrale UGTA…), toutes les chaines de radio et de télévisions ouvrant leurs antennes à des « experts » pour combattre la grève générale qui risquait « d’affamer les populations ». La prétendue opposition liguée dans une coalition comprenant des organisations dites d’extrême gauche (PT et PST) s’opposait aussi à la perspective de la grève générale au nom d’un « processus constituant » (se reporter aux nombreux articles de Maghreb socialiste de 2019 qui en faisaient la démonstration en détail).
Pourtant, les étudiants en médecine n’ont pas baissé les bras, indiquant par-là l’état d’esprit des masses. Le 19 octobre 2024, leur grève nationale, à l’appel du Collectif national des étudiants en sciences médicales, est si bien suivie, que la presse est bien obligée de rendre compte. Sous le titre : « Grève générale des étudiants en médecine : Des revendications claires » Algérie 360 du 16 octobre 2024 commente : « Aujourd’hui, les étudiants en sciences médicales ont décidé d’entamer une grève générale accompagnée de manifestations à travers plusieurs villes d’Algérie. Les étudiants ont initié ce mouvement suite à une accumulation de frustrations liées aux conditions déplorables de formation, aux faibles perspectives d’emploi, ainsi qu’à la précarité des bourses et des stages. À travers cette mobilisation, ils visent à obtenir (…) un meilleur encadrement, des conditions de travail décentes et un avenir professionnel plus prometteur.
Des revendications multiples et urgentes (…) En conclusion, les étudiants en sciences médicales annoncent leur détermination à poursuivre leur mouvement de grève tant que des solutions concrètes ne seront pas apportées. (…) Ainsi, ce mouvement traduit non seulement une demande de reconnaissance, mais aussi un appel à des conditions de formation et d’emploi décentes pour assurer l’avenir de la santé publique en Algérie ».
Le lendemain, El Watan du 17 octobre en rajoute : « Les étudiants des différentes branches des sciences médicales ont entamé, hier, une grève ouverte. L’objectif : “Exprimer leur mécontentement face à plusieurs problématiques persistantes affectant leur formation et leur avenir professionnel”, indique le communiqué du Caucus national des étudiants en sciences médicales, initiateur de la grève. »
Devant l’ampleur de la mobilisation étudiante, le Ministre de tutelle, Baddari, rencontre dès le 19 octobre les « représentants des étudiants des différentes facultés de sciences médicales ». Les choses vont vite… En en rendant compte, le Quotidien d’Oran indique : « Le communiqué précise, par ailleurs, que “les préoccupations soulevées par les représentants des étudiants des facultés des Sciences médicales ont été prises en charge au niveau local, en fixant la date du 27 octobre comme dernier délai pour le lancement des travaux des différents groupes de travail formés pour la prise en charge des doléances des étudiants ”».
Pourtant, contrairement aux titres de la presse des 19 et 20 octobre qui prétendaient que Baddari avait désamorcé la crise grâce à la rencontre organisée le samedi 19 octobre, la mobilisation se renforçait, d’une part parce qu’aucune des revendications n’était satisfaite, d’autre part parce que les « représentants étudiants » de la rencontre n’étaient pas ceux des étudiants (voir plus loin) !
Ainsi, le Jeune indépendant du 21 octobre déclare : « Le mouvement de grève des étudiants en sciences médicales, entamé depuis le 16 octobre, se poursuit malgré les efforts du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique pour calmer les esprits. Cette situation a fait réagir des syndicats du secteur, qui ont exprimé leur solidarité et leur soutien aux revendications « légitimes » soulevées par les grévistes. »
Grève, occupation des campus, manifestations et sit-in, les lives quotidiens sur Facebook montrent d’une manière indéniable que la mobilisation est d’une ampleur considérable. Ce sont des centaines et des centaines d’étudiants et étudiantes qui déferlent à Oran, Tlemcen, Béchar, Saïda, Belabbes, Relzane, Chleff, Blida, Médéa, Alger, Boumerdes, Djelfa, Laghouat, toutes les facultés de médecine du Sud, Biskra, Batna, Constantine, Annaba, El Tarf, Jijel, Skikda, Bedjaia, Bouira, Tizi Ouzou… pour ne citer que celle où des groupes de discussion et d’échange ont été constitués sur les réseaux sociaux, Facebook, Instagram ou Tiktok.
Le 5 décembre, alors qu’une campagne médiatique forcenée est déclenchée pour faire croire au fléchissement du mouvement suite à une deuxième « rencontre » tutelle/étudiants, le collectif de l’université de Sétif rend compte dans le détail des votes par année comme suit :
1ères années : 1 155/1994 votes ; 70,1% pour la continuité de la grève, 29,9 % contre ;
2e années : 938/1 204 votes ; 92,8% pour la continuité de la grève, 7,2 % contre ;
3e années : 83% pour la continuité de la grève, 17% contre ;
4e années : 86% pour la continuité de la grève, 14% contre.
5e années : 66,7 % pour la continuité de la grève, 33,3 % contre.
6e années : 72,1 % pour la continuité de la grève, 27,9 % contre.
7e années : 37,5 % pour la continuité de la grève, 62,5 % contre.
Le 7 décembre 2024, les étudiants de la faculté de Tlemcen entamaient leur 7e semaine de grève totale…
A l’apogée de la grève nationale, fin décembre, une consultation générale est organisée par les collectifs d’étudiants. Elle touche 30 000 étudiants, 85 % d’entre eux se prononcent pour la poursuite de la grève.
En dépit de la ténacité et la mobilisation des étudiants, aucune de leurs revendications n’a été satisfaite. Bien au contraire, les mesures présentées comme des réponses ne sont en fait que l’application du plan de réformes engagées par la feuille de route de Tebboune… Voilà le résultat, le produit du dialogue entre Baddari et les pseudo « représentants étudiants », d’une part, et les dirigeants syndicaux d’autre part.
Outre que les étudiants en médecine ont été maintenus isolés par la politique traître de toutes les directions syndicales, ces dernières n’ont eu de cesse de mettre en avant une politique « de dialogue et de concertation » avec les tutelles du gouvernement, s’opposant continuellement au combat résolu des étudiants mobilisés par la grève et le rassemblement sur la base de revendications claires et précises portées par leurs représentants à la base.
Ainsi par exemple, la Fédération nationale de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique (FNESRS-UGTA) n’a pas manqué de se positionner en porte-à-faux du mouvement des étudiants en médecine. Un communiqué de cette organisation, repris par la presse, indique qu’elle « a salué l’effort de dialogue déployé par le ministre de l’Enseignement supérieur, qui s’est empressé de répondre positivement… (…) Elle a également lancé un appel aux étudiants grévistes pour reprendre normalement les cours (Le Jeune Indépendant, le 22 octobre 2024).
La FNESRS-UGTA s’est opposée d’entrée au recours à la grève, au nom du « dialogue » : « (…) la nécessité d’adhérer au principe du dialogue et d’exercer un esprit de consultation sage. » En clair, se placer du côté du pouvoir. Et on a vu le résultat du dialogue avec Baddari : aucune revendication des étudiants n’a été satisfaite.
Autre exemple du côté du SNPSSP (Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique). Dans une déclaration au Quotidien d’Oran rapportée dans l’édition du 21 octobre 2024, on apprend du « Dr Mohamed Iddir, président du Syndicat, [que] cette question a besoin d'une “réflexion stratégique” et d'un “pilotage stratégique impliquant le ministère de la Santé”».
En couverture de la tutelle, il considérera plus loin dans cet article que créer de nouvelles structures au profit des facultés de médecine, aura pour conséquence de recevoir encore plus d’étudiants, donc « générer plus d’excédent » et donc plus de candidats à la fuite vers l’étranger !
Quant au SNPSP (Syndicat national des praticiens de la santé publique), présidé par le Dr Lyès Merabet, il précise, selon le Jeune indépendant du 21 octobre, « qu’il n’a pas l’intention de représenter les étudiants grévistes, mais souhaitait plutôt participer à l’élaboration de solutions pérennes pour atténuer les conséquences de la crise actuelle », tout en ajoutant qu’il « déplore toutefois son exclusion des discussions autour des réformes de la formation médicale, bien qu’il représente les praticiens du secteur public. » Tous prétendent au « dialogue » et à donner leurs conseils au pouvoir. Ainsi, le président de ce syndicat faisait remarquer le 20 octobre, toujours dans le même organe de presse, « qu’augmenter le nombre de postes de résidanat de 1 000 était une bonne chose » (après que Baddari a pris la décision d’augmenter le nombre de postes de recrutement lors des concours de spécialisation à 4 045 au lieu de 3 045), soutenant ainsi la décision du Ministre, loin d’être satisfaisante aux yeux des étudiants.
Le journal ajoute : « Concernant la question de l’authentification des diplômes et de la certification, qui semblent être “un point de tension majeur”, le Dr Merabet a rappelé que son syndicat avait auparavant décrié la décision du gel, car seul le corps médical est concerné. » Autrement dit, ce gel de la certification des diplômes aurait été acceptable s’il avait été appliqué à toutes les disciplines !
Le bureaucrate a par ailleurs regretté « de ne pas être associé dans le processus de réforme qui a touché les études médicales, à travers notamment la création d’annexes et autres facultés de médecine. Là encore, le Dr Merabet a affirmé qu’il faut respecter des normes bien précises si l’on veut lancer des études médicales, et cela ne peut être concrétisé, a-t-il expliqué, si les terrains de stages ne sont pas disponibles et si les encadreurs sont en nombre insuffisant. »
Ainsi ils volent tous au secours de Tebboune-Baddari pour évacuer la responsabilité directe de ce dernier en argumentant encore que « visiblement il y a un décalage entre la production des médecins et les capacités à les faire travailler sur le terrain ».
Enfin, précisons que les prétendus « représentants étudiants » reçus à deux reprises par Baddari sont des dirigeants des appareils syndicaux d’organisations satellites du pouvoir et des partis officiels. A ce titre, ils ont été rejetés par les grévistes qui exigeaient du Ministère de recevoir leurs vrais représentants, porteurs de leurs revendications. Sur tous les réseaux sociaux les commentaires ont pullulé pour dénoncer ces « représentants » et réclamer que leurs représentants, issus des Assemblées générales, porteurs de leurs revendications soient pris en compte.
Les réformes et mesures gouvernementales à l’université ont pour objectif d’exclure la grande majorité des classes exploitées du droit aux études et aux diplômes universitaires. Elles ont pour axe fondamental de répondre aux besoins du système capitaliste. A la base de ces besoins, il s’agit pour les patrons, les cartels et les multinationales de réduire toujours plus le coût du travail.
Pour ce faire, plusieurs critères sont utilisés sous différents vocables : flexibilité de l’emploi, uniformisation des formations, polyvalence, harmonisation des diplômes et autres concepts… ; il s’agit chaque fois de dévaloriser les diplômes et les qualifications afin d’obtenir une main d’œuvre malléable et corvéable à merci.
Plus la crise du capital due à la surproduction et la concurrence s’approfondie, plus les capitalistes et leurs représentants qui gouvernent ont pour obligation de porter des coups contre les salariés et la jeunesse pour les asservir à leur course au profit.
Après avoir imposé le LMD (licence, master, doctorat) qui correspondait aux besoins de l’impérialisme il y a un peu plus d’une dizaine d’années, il s’agit maintenant d’aller encore plus loin pour dévaloriser les diplômes. D’ailleurs, avec l’instauration de l’obligation de start-up au terme d’un cycle universitaire (après la signature d'une convention de partenariat entre le ministère de l'Economie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises et le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, portant création de startups en milieu universitaire), c’est la remise en cause de la notion même de diplôme qui détermine la valeur d’une qualification. Toutes ces réformes ont pour objectif de liquider la revendication : 1 diplôme = 1 emploi = 1 salaire.
C’est aussi pour ces mêmes raisons que l’objectif des gouvernants est de liquider le Code du Travail et la Fonction publique qui étaient les derniers remparts sur lesquels pouvaient s’appuyer les salariés pour défendre leurs intérêts matériels et la valeur de la force de travail.
L’impérialisme en crise mortelle a besoin de faire table rase de toutes les normes dans lesquelles s’inscrivaient des acquis des travailleurs salariés.
L’une des mesures la plus flagrante est qu’un numérus clausus a été fixé pour l’admission des jeunes bacheliers dans les facultés de médecine à 4700, soit un tiers environ du nombre de l’année 2024/2025 !
C’est une politique qui ne vise pas à satisfaire les besoins de la grande majorité, mais à faire de chaque espace une source de profits pour l’impérialisme et la bourgeoisie locale compradore.
Pour vaincre, la mobilisation des étudiants en médecine aurait eu à affronter le pouvoir et pour cela submerger les directions syndicales traîtres qui prônent concertation et dialogue avec lui. Il aurait fallu pouvoir leur imposer de rompre avec le gouvernement et de le combattre, dans l’unité.
Cela aurait demandé de centraliser le combat des étudiants à travers la mise en place d’un comité central de grève regroupant des délégués élus et révocables issus d’élections au niveau des assemblées générales des étudiants en grève et porteur d’un mandat reflétant les revendications et aspirations de la grande majorité des étudiants.
Cela aurait surtout demandé d’établir le lien avec la classe ouvrière, dans le but d’ouvrir une perspective politique à la jeunesse et au prolétariat, celle du gouvernement des organisations ouvrières, étape vers un véritable gouvernement ouvrier qui satisfasse toutes les revendications et prenne en charge la production selon le besoin des masses, et à l’échelle du Maghreb, celle des États-Unis socialistes du Maghreb.
Tous les maux auxquels l’humanité est confrontée sont la conséquence du système de la propriété privée des moyens de production, de l’anarchie de la société capitaliste et de la loi du profit. La tragédie mondiale du Covid a montré comment les grands trusts pharmaceutiques se sont livrés, avec l’aide de leur gouvernement respectif et au mépris de la vie humaine, à une lutte concurrentielle au lieu d’unir leurs efforts pour conjurer la pandémie. Le maintien du capitalisme entraîne la barbarie.
C’est pourquoi, nous combattons pour le socialisme et pour cela, pour la construction de partis ouvriers révolutionnaires et d’une internationale ouvrière révolutionnaire.
Le 7 février 2025