maghreb socialiste

Le 29 août 2020

9 mois après la désignation de Tebboune à la présidence,  mettre un coup d’arrêt à l’offensive du régime suppose d’engager le combat sur le mot d’ordre central  :

À BAS LE REFERENDUM SUR LA CONSTITUTION !

BOYCOTT DE LA MASCARADE DU PREMIER NOVEMBRE !

La classe ouvrière doit s’organiser pour imposer aux dirigeants des organisations ouvrières, et en particulier des organisations syndicales, le front unique pour appeler au boycott du referendum, et préparer dès aujourd’hui les conditions de son organisation effective.

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AVEC « L’ÉLECTION » DE TEBBOUNE EN DÉCEMBRE À LA PRÉSIDENCE, LE RÉGIME MILITARO-POLICIER A INDÉNIABLEMENT REMPORTÉ UNE PREMIÈRE VICTOIRE POLITIQUE SUR LES MASSES.

Malgré les trucages et un taux d’abstention inégalé depuis l’indépendance, l’élection a pu se tenir et la désignation de Tebboune a constitué un incontestable revers pour les travailleurs et la jeunesse du pays.
Nous indiquions le 23 décembre 2019 dans Maghreb Socialiste :
« ….le taux de participation, le régime n’en n’avait cure ! Pour lui, la seule chose qui comptait, c’était bien que le scrutin se tienne et il a pris toutes les dispositions, en particulier sécuritaires là où il le pouvait, pour interdire que ne se réalise pratiquement le boycott. Et de ce point de vue, il a marqué un point. Nous le disions : « l’abstention n’est pas le boycott». Si elle traduit « en creux » le rejet du régime, elle n’offre pas en soi de perspective pour en finir avec ce dernier. »

La responsabilité de ce revers incombe pleinement aux dirigeants des organisations ouvrières, partis et syndicats, qui ont bandé toutes leurs forces en défense du régime, en combattant, souvent ouvertement, la perspective du boycott des élections présidentielles. Nous sommes longuement revenus sur l’analyse de la situation issue des élections dans les articles et déclarations précédentes de Maghreb Socialiste.

Mais il faut lucidement en tirer les leçons. Sans que le prolétariat et la jeunesse n’aient été écrasés, le régime a remporté une victoire incontestable. Il en a immédiatement tiré profit pour engager violemment le combat en vue d’ en finir avec le hirak, et mettre en place les « réformes » au compte de l’impérialisme. En matière d’attaques contre le prolétariat, c’est un véritable rouleau compresseur qui s’abat sur les masses : adoption de la loi de finance qui a consacré une réduction des dépenses de fonctionnement de 50 % par rapport au projet précédent, augmentation des taxes sur les assurances, augmentation drastique des carburants, remise en cause du financement des produits de première nécessité, remise en cause du financement des logements sociaux un contexte de dépréciation continue du dinar. (il faut aujourd’hui 210 dinars pour avoir un euro sur le marché parallèle). A cela il faut rajouter le développement sans précédent de la répression contre les militants syndicaux et politiques du hirak, le musellement de la presse, etc...

Et tout cela se déroule dans un contexte où la crise économique mondiale et la crise sanitaire produisent des effets dévastateurs sur les conditions d’existence des masses.
Dans l’industrie automobile les plans de licenciements et de fermetures d’usines se multiplient, à l’image de l’usine Renault Algérie (RAP), de Oued Tlelat dans la wilaya d’Oran, qui vient de lancer un plan de licenciements. La direction de RAP a proposé deux choix pour ses employés en CDI : soit le départ volontaire, soit une procédure de licenciement économique.
Le premier choix consiste au départ volontaire avec 1,5 mois de salaire brut par année d’ancienneté pour les CDI, tandis que le second choix se résume à un licenciement économique avec 3 mois de salaire pour les CDI, payés par la société et, pour les CDI de plus de 3 ans 50% du salaire en indemnité de chômage payées par la CNAC (Caisse nationale d’assurance chômage) .
Dans la foulée, c’est dans l’usine de montage SOVAC (Volkswagen) qu’a été annoncé un plan de licenciements après des mois de chômage « technique » ; on peut aussi citer les licenciements qui sont intervenus chez Hyundai.
Dans le bâtiment travaux publics, c’est une véritable saignée avec la mise sur le carreau de dizaines de milliers de travailleurs, le plus souvent précaires, du fait de l’arrêt des programmes d’équipements publics notamment.

UN GOUVERNEMENT À LA SOLDE DE L’IMPÉRIALISME ET PLUS PARTICULIÈREMENT DE L’IMPÉRIALISME FRANÇAIS

Durant l’été, le contact a été établi de façon ininterrompue entre l’impérialisme français et le président Tebboune. Dès le 3 juin, un premier entretien téléphonique a eu lieu entre les deux présidents .
Dans une interview accordée à France 24 à la suite de cet entretien Tebboune a indiqué que « Macron est quelqu’un de très honnête et propre historiquement » !
Le 27 juin, un nouvel entretien téléphonique a eu lieu. Un communiqué de la présidence en a rendu compte dans les termes suivants :
« L’entretien s’est déroulé dans une ambiance empreinte de parfaite cordialité et d’amitié partagée, et a permis aux deux présidents de passer en revue les relations bilatérales, pour convenir de reprendre les contacts au plus haut niveau et de relancer la coopération dans tous les domaines » .
« L’entretien a permis aux deux présidents d’avoir un échange sur les questions régionales d’intérêt commun, à la lumière des derniers développements, de la situation au Sahel et en Libye, sur lesquelles une concordance sur les points de vue s’est dégagée » précise le communiqué.

En réalité, depuis son élection, Tebboune a été en contact ininterrompu avec Macron, traduisant le degré de soumission du régime à l’ancienne puissance coloniale.
Le 10 juillet dernier, un nouvel entretien a eu lieu :
La question « mémorielle » a été évoquée se traduisant par la décision suivante « Nous avons évoqué cette question avec le président Macron. Il connaît bien les évènements qui ont marqué notre histoire commune. L’historien Benjamin Stora a été nommé pour accomplir ce travail mémoriel du côté français. Il est sincère et connaît l’Algérie et son histoire, de la période d’occupation jusqu’à aujourd’hui. Nous allons nommer son homologue algérien dans les 72 heures »(sources : journal l’Opinion 13 juillet 2020)
Il ne fait aucun doute que compte tenu de l’itinéraire du renégat Stora,ex militant trotskyste, et désormais porteur de valise de Macron, nous allons assister à une véritable entreprise de réécriture de l’histoire, correspondant aux exigences du moment.
Au cours de cet entretien, la question des rapports économiques entre les deux pays a été abordée. La presse en rend compte de la façon suivante :
« A la question de savoir si l’Algérie "comptait" sur les entreprises françaises pour développer son économie, Tebboune, en rappelant que plus de 450 entreprises françaises opéraient en Algérie, a estimé que ces entreprises "sont appelées à jouer leur rôle dans la nouvelle Algérie". Il a fait observer que la France venait de perdre sa place de premier pays fournisseur de l’Algérie. Mais "ce n’est pas irréversible", a-t-il estimé en soulignant l’existence d’une très forte communauté algérienne en France "que nous voulons également servir et préserver". »

Bref il s’agit bien d’établir des « relations » qui visent, en dernière analyse, à relancer le pillage des ressources du pays par l’impérialisme français. Mais au-delà, la France entend bien faire de l’Algérie un supplétif des forces françaises dans le cadre des opérations de défense de ses positions en Afrique subsaharienne, positions qui sont largement entamées. Tout le monde peut constater aujourd’hui que l’opération Barkhane est dans l’impasse, dans un contexte où les masses maliennes manifestent de façon régulière pour le départ des troupes françaises du Mali. Embourbé dans son expédition militaire punitive, l’impérialisme français a besoin du régime algérien et de son armée pour agir en auxiliaire de l’armée française, afin de rétablir l’ordre colonial au Sahel. Et de ce point de vue, Tebboune s’exécute. En effet, dans la foulée de la condamnation par l’impérialisme français du coup d’état qui a renversé Ibrahim Boubacar Keita, le régime se range derrière Macron par le biais du ministère des affaires étrangères qui« réitère son ferme rejet de tout changement anticonstitutionnel de Gouvernement ».Et de préciser :«l’Algérie appelle toutes les parties au respect de l’ordre constitutionnel, et au retour à la raison pour une sortie de crise rapide ». Le communiqué conclut en rappelant que « seules les urnes constituent la voie ; pour l’accession au pouvoir et à la légitimité ».

Le renversement d’IBK traduit incontestablement un état de déliquescence avancé de l’appareil d’état Malien . Du point de vue des masses de ce pays, l’instauration d’un régime vertébré par une junte militaire ne peut constituer d’issue positive, d’autant que les putschistes ont immédiatement cherché à rassurer les puissances impérialistes en indiquant qu’ils respecteraient les accords internationaux. Le coup d’état vise le plus probablement à rétablir l’ordre, dans une situation où l’appareil d’État lui-même était menacé de délitement qui fait suite à l’incapacité du régime d’IBK à remplir cette mission. Et il n’est pas exclu que l’impérialisme français soit contraint de s’accommoder de la situation issue du coup d’état.

Mais ce qui importe ici, c’est la position de l’Algérie dans cette affaire. Elle s’inscrit dans les objectifs assignés au régime par l’impérialisme français : faire de l’armée algérienne le gendarme de la région, au compte de la puissance coloniale.
L’entretien qui a eu lieu le 27 août entre Macron et Tebboune l’illustre de façon claire, la presse rapporte :
« Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a reçu un coup de téléphone de son homologue français Emmanuel Macron, au cours duquel les deux présidents ont discuté de l’évolution des relations entre les deux pays », peut-on lire sur le communiqué de la présidence. Dans leur entretien téléphonique, MM. Tebboune et Macron ont également échangé sur « l’évolution de la situation en Libye et au Mali », ajoute le communiqué. ( Observ Algérie du 27 août). Rien n’est dit de la teneur de l’entretien mais il est notable que dès le lendemain, le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, s’est rendu à Bamako (Mali) pour une visite d’une journée, dépêché par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune.

Gendarme de la région au compte de l’impérialisme, c’est bel est bien ce que Tebboune est prêt à assumer. La réforme de la constitution qui intègre un amendement introduisant « la Constitutionnalisation de la participation de l’Algérie à des opérations de maintien de la paix sous les auspices des Nations Unies » et « la Constitutionnalisation de la participation de l’Algérie à la restauration de la paix dans la région dans le cadre d’accords bilatéraux de pays concernés » en est la preuve.
Mais dans ce cadre il devient urgent pour le régime de mettre un terme à la mobilisation historique qui s’est déroulée durant un an en Algérie.

À TRAVERS LE REFERENDUM SUR LA CONSTITUTION LE RÉGIME VEUT NON SEULEMENT EN FINIR AVEC LE HIRAK ET CONSACRER LE RÉTABLISSEMENT DU RÉGIME MAIS AUSSI ET SURTOUT PARVENIR À UNE STABILISATION PERMETTANT D’ACCÉLÉRER LES RÉFORMES.

Tebboune a décidé d’inaugurer le premier novembre la grande mosquée d’Alger. Tout un symbole quand on connaît le coût qu’a représenté la construction de cet édifice, et qui se voulait un chantier phare de l’ère Bouteflika. Par cette décision, qui au passage constitue un clin d’œil à la mouvance islamiste, le président envoie un message clair : il s’inscrit résolument dans la continuité du régime. A travers cette entreprise provocatrice, il entend clairement indiquer aux masses que  la récréation est finie et que tout doit rentrer dans l’ordre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a décidé de soumettre le même jour au referendum, son projet de constitution. Comptant sur le désarroi politique actuel des masses qui sont étranglées par le renchérissement du coût de la vie, par l’inflation et le chômage, frappées par l’épidémie du covid, et victimes de la répression, il entend faire de ces deux évènements, l’illustration de la restauration du système, le point culminant du combat qu’il a engagé pour faire refluer la mobilisation historique des masses.
Il le prévoit pour le premier novembre, exactement un an après la mobilisation historique du 1 novembre 2019, qui avait vu des millions d’Algériens manifester contre la tenue des élections !!!

Au-delà, il veut passer à l’étape suivante, qui consiste à mettre en œuvre la pulvérisation de ce qui reste des acquis de la classe ouvrière et du prolétariat dans son ensemble : liquidation du droit à la santé, réforme du code du travail, privatisation de l’ensemble des entreprises publiques, licenciements massifs dans la fonction publique dans le cadre de la loi de finance, liquidation des subventions aux produits de première nécessité …
La Conférence nationale pour la relance économique qui s’est tenue les 18 et 19 août, donne clairement le cap. Réunissant les représentants des patrons, avec l’UGTA et l’état , cette conférence renoue avec les tripartites qui ont jalonné le règne de Bouteflika.
Dans son discours introductif devant 400 participants, Tebboune a immédiatement donné le ton :
 « “L’économie nationale, aujourd’hui, devra changer de paradigme pour sortir de l’économie linéaire et planifiée et aller vers une économie circulaire offrant plus de liberté financière aux opérateurs économiques, et les opérateurs économiques et sociaux devront se mobiliser ensemble pour ‘sauver le pays’ face à la conjoncture particulière de la chute des cours des hydrocarbures et de la pandémie du Covid-19, qui a mis à genoux l’économie mondiale”».

Le 20 août, le premier ministre Djerad présentait les conclusions de cette conférence en commençant par indiquer : « Le nouveau plan est basé sur le renforcement du rôle du secteur privé et des institutions de la société civile pour contribuer à la voie du développement, sur la base de l’engagement envers les valeurs de travail, de dévouement et de sincérité. »

Il a par ailleurs indiqué que le plan comprenait la révision de la règle 49/51 et la suppression du droit de préemption et son remplacement par une autorisation préalable du gouvernement, ainsi que la suppression du recours obligatoire au financement national pour les investissements...
Selon un article d’Algérie eco du 20 juillet, le Premier ministre a « réitéré l’engagement du gouvernement à œuvrer pour améliorer le climat des affaires en simplifiant les procédures de mise en place des institutions, en fournissant des biens immobiliers et en bénéficiant de prêts et de services publics de haute qualité, en réformant et en modernisant le système bancaire et financier, qui est la pierre angulaire du succès de toute réforme économique, ainsi qu’en modernisant la gestion et en luttant contre les comportements bureaucratiques. »

Dans les faits, à travers la conférence nationale de relance économique, il s’agit ni plus ni moins de créer un guichet ouvert pour la bourgeoisie nationale et pour l’impérialisme : liquidation des entreprises nationales dites non rentables, (des audits sont prévus à cet effet), cession des entreprises rentables au privé, à travers la participation des investisseurs privés nationaux et des multinationales, création de banques privées… bref la remise en cause du monopole de l’État sur « le sous-sol, les mines et les carrières, les sources naturelles d’énergie, les richesses minérales, naturelles et vivantes des différentes zones du domaine maritime national, les eaux et les forêts. Elle est, en outre, établie sur les transports ferroviaires, maritimes et aériens, les postes et les télécommunications, ainsi que sur d’autres biens fixés par la loi », qui était jusqu’alors stipulé dans l’article 18 de la constitution.
Il s’agit de la cession par appartement de l’essentiel des ressources nationales du pays. La mise en œuvre du plan de relance économique devrait être supervisée par le Conseil national économique et social (CNES) , organisme de dialogue social et de participation, auquel Tebboune a décidé de donner un rôle central, en le consacrant dans son projet de constitution.

D’ores et déjà on assiste à une traduction pratique des mesures envisagées par le gouvernement dans le domaine des transports notamment. Tebboune vient d’annoncer la fin programmée de la compagnie nationale Air Algérie. Le journal en ligne Interligne rapporte : « Lors du conseil des ministres du 23 août le président de la République a avancé la perspective du lancement d’une nouvelle compagnie aérienne nationale. Il a appelé, à ce propos, à «reconsidérer de manière globale le transport aérien et aller, si le besoin se fait sentir, vers la création d’une compagnie aérienne nationale supplémentaire pour répondre à la demande, à travers une meilleure exploitation des aéroports intérieurspour une rentabilité acceptable et l’ouverture de nouvelles lignes internationales en vue de hisser les capacités de transport aérien national».»
C’est directement la mise en place de la concurrence avec le secteur privé puisque le régime envisage d’ouvrir aux investisseurs la possibilité de développer des entreprises dans le domaine aérien, maritime (ferrys), fret…

Pour Air Algérie, qui traverse une situation catastrophique du fait de la paralysie de l’activité de la compagnie liée au coronavirus , c’est purement et simplement sa mort qui est programmée. Le quasi lock-out qui a été organisé par le pouvoir a précipité la compagnie dans la situation où elle se trouve aujourd’hui. En effet, les avions de la compagnie sont restés cloués au sol alors même que la compagnie Air France et la compagnie ASL ont programmé des vols réguliers pour « rapatrier les ressortissants » restés bloqués en Algérie du fait de la crise sanitaire.
Aujourd’hui la compagnie aérienne publique accuse un déficit avoisinant les 300 millions de dollars, conduisant la direction à procéder à la vente de certains de ses meilleurs avions. Dans le même temps un plan drastique de réduction des salaires a été programmé, même s’il s’est heurté à l’opposition des pilotes de lignes.

Pour en revenir à la conférence nationale de relance économique, il faut rajouter qu’au delà du démantèlement du secteur public, du pillage programmé des ressources, il est aussi annoncé l’accélération de la liquidation des maigres droits des travailleurs à travers une nouvelle réforme du code du travail...
Tous les participants ont salué les conclusions de cette « tripartite », la direction de l’UGTA jouant une place centrale dans le soutien au plan du gouvernement.
Il est par ailleurs notoire que cette conférence, à travers la présence de Rebrab (PDG de Cevital), traduit la volonté du régime d’enterrer la hache de guerre entre les différentes fractions de la bourgeoisie algérienne, alors même que le Hirak par sa puissance, avait exacerbé les tensions entre celles -ci, conduisant à des règlements de compte spectaculaires ( explosion du FCE, affaire Haddad, etc...).
Face à l’avalanche qui s’annonce, le prolétariat va devoir engager le combat dans des conditions rendues de plus en plus complexes, et dans un mouvement de recul, rendu possible par la trahison des dirigeants des organisations syndicales.

LES MASSES CONTRAINTES DE COMBATTRE POUR LEURS CONDITIONS ÉLÉMENTAIRES D’EXISTENCE

La lutte des classe ne connaît pas de trêve. Face à la situation qui lui est faite, la classe ouvrière continue à se battre pour la défense de ses conditions élémentaires d’existence. Même si la presse n’en rend pas compte de façon exhaustive, les mobilisations dans les entreprises n’ont pas faibli durant l’été. On peut citer la mobilisation au CHU Ben Badis de Constantine, la grève chez NUMILOG à Béjaia, la mobilisation contre les licenciements dans l’usine Brandt à Sétif (appartenant au groupe CEVITAL), les mobilisations à SONELGAZ à l’EPB, celles de l’ENEL à Azazga, de l’Etusa à Alger en passant par la briqueterie de Fréha, la laiterie de Beni tamou à Blida, etc.. A cela il faut ajouter la reprise des mobilisations de la population pour l’adduction d’eau, d’électricité ou du gaz, pour l’attribution de logements, etc..

Incontestablement, les travailleurs se sont mobilisés durant l’été dans de nombreux secteurs pour des revendications concernant le paiement de leurs salaires, l’amélioration de leurs conditions de travail, contre des licenciements.
Mais ce qui caractérise ces mobilisations, c’est précisément qu’elles restent cantonnées à des revendications économiques, et qu’elles n’établissent pas le pont avec le combat pour en finir avec le régime, seul moyen pour obtenir la satisfaction des revendications. De ce point de vue, nous sommes loin des grèves et mobilisations qui se sont développées durant le début et dans le cours du développement du Hirak. L’exception notoire que l’on pourrait relever, c’est la longue grève chez NUMILOG, filiale du groupe CEVITAL de Rebrab, où le lien est établi entre les revendications économiques et les droits démocratiques. La grève s’est déclenchée à la suite du refus de la direction de l’entreprise de reconnaître la création d’une section syndicale de l’UGTA. Conscients des enjeux, la direction de l’entreprise a procédé au licenciement de 196 salariés. La violence de la réponse patronale traduit la fébrilité de la bourgeoisie face à ce type de mobilisation.

Mais il faut le dire clairement, l’obstacle majeur auquel se trouve confrontée la classe ouvrière, c’est bien la collusion des dirigeants syndicaux avec le régime, dans le cadre du dialogue social et de la mise en œuvre des attaques. C’est ce qui entrave son combat pour en finir avec le système.

PLUS QUE JAMAIS, LES DIRIGEANTS SYNDICAUX SE POSENT EN « LIEUTENANTS OUVRIERS DE LA CLASSE CAPITALISTE »

Jamais la formule de Lénine pour caractériser les dirigeants syndicaux n’est apparue aussi pertinente : la conférence nationale de relance de l’économie a eu lieu les 18 et 19 août avec la présence et la participation active de la « nouvelle direction » de l’UGTA.
Selon l’agence de presse APS, (18 août), « Le Secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Salim Labatcha (ancien député du PT NDLR) a indiqué, mardi à Alger, que le discours du Président de la République, Abdelmadjid Tebboune concernant le Plan de relance économique était "courageux et rassurant", ajoutant qu'il "prévoyait des mesures et des décisions courageuses susceptibles de libéraliser et de développer l'économie nationale". »
Dans ce contexte, M. Labatcha a salué la décision du Président de la République portant dépénalisation de l’acte de gestion et la libération des investissements de toute restriction, affirmant que l’Algérie "a besoin actuellement de libéraliser l’investissement, car la roue de l’économie est à l’arrêt en raison de la crise du marché pétrolier et de la crise sanitaire". La pénalisation de l'acte de gestion "freinait auparavant les capacités des investisseurs et des gestionnaires à tel point que certains d’entre eux ont gelé de grands dossiers économiques, par crainte de devoir rendre des comptes et pour garder leurs postes de responsabilité", ajoutant que le président Tebboune "a rassuré les investisseurs et les gestionnaires, et leur a assuré la protection".
Le SG de l’UGTA a évoqué les principales propositions faites par le partenaire social lors cette rencontre. "Le succès de la nouvelle politique économique est tributaire de la stabilité sociale", selon les propositions de la centrale syndicale…. La centrale syndicale propose également "l’intégration de l’économie informelle dans l’économie organisée, en exploitant la liquidité importante que recèle les opérateurs activant dans l’économie parallèle".

Cette citation illustre de façon éclatante le degré d’intégration de la direction de l’UGTA. Pour couronner, le tout Labatcha va jusqu’à déclarer :
«l'état actuel de l'économie nationale ne permet pas de soulever les préoccupations de la classe ouvrière, sauf pour la question de la garantie du paiement des salaires».
On comprend pourquoi la direction de l’UGTA se tait sur ce qui s’est passé à NUMILOG, alors même que les travailleurs se battaient pour la reconnaissance d’une section syndicale... UGTA !!!!

Mais qu’en est il de ceux qui prétendent s’opposer à l’orientation développée par la direction de la centrale ?
L’un d’entre eux, Nouredine Bouderba s’exprime à longueur dans les colonnes de la presse en ligne. Dans un article consacré à la grève de NUMILOG (DZ video, 22 aout) il réussit l’exploit, tout en exprimant haut et fort son soutien, de ne dire mot sur la responsabilité de la direction nationale de la centrale, alors que tout le combat devrait être organisé en direction des dirigeants de l’UGTA et aussi des syndicats autonomes pour qu’ils organisent le front unique en vue de faire plier les dirigeants de CEVITAl.
Sur un autre registre, dans un long article daté du 28 août et publié sur le même site, Bouderba produit de longs développements concernant les syndicats. N’étant jamais mieux servi que par soi-même, Bouderba commence par faire l’éloge du combat qu’il aurait engagé pour le redressement de l’UGTA, faisant référence notamment à l’appel qu’il a initié pour un congrès extraordinaire de la centrale. Il faut rappeler qu’au printemps 2019 la classe ouvrière engageait une vaste mobilisation pour la réappropriation de l’UGTA, qui a culminé le 1er mai lors des manifestations au siège de la centrale. A l’époque, une vaste fenêtre s’était ouverte, qui pouvait conduire à la reconquête du syndicat, voire à la création d’une nouvelle centrale syndicale unifiée et démocratique, indépendante du pouvoir. En effet, des militants des syndicats autonomes s’étaient mobilisés en soutien aux syndicalistes UGTA. En lieu et place, les dirigeants ont empêché les travailleurs de se saisir du siège de la centrale, et ont empêché la jonction entre les syndicalistes autonomes et les syndiqués UGTA pour en finir avec la direction de l’époque. L’appel à un congrès extraordinaire pour le mois de décembre, plusieurs mois plus tard, ne relevait dès lors que d’une manœuvre dilatoire pour faire refluer ce mouvement à caractère révolutionnaire.

Mais ce qui est plus significatif dans cet article, c’est qu’il intervient dix jours après la tenue de la conférence de Tebboune et que Bouderba ne dit mot de la participation de la direction de l’UGTA à cette tripartite !!! Et il prétend combattre pour des syndicats indépendants !!!
En réalité, la tendance à la réappropriation de la centrale par les travailleurs s’est à cette étape refermée du fait même de la trahison des bureaucrates qui en ont pris la tête.

Quant aux dirigeants des organisations syndicales autonomes, il suffit de prendre connaissance des positions actuelles de l’un de leurs dirigeants, le responsable du SNPSP (Syndicat national des praticiens de santé publique), Lyes Merabet. Son portrait n’est plus à faire. Dirigeant un temps de la confédération autonome, il n’a eu de cesse d’établir un pont avec le régime dans le cadre des « dynamiques de la société civile », combattant ouvertement la perspective du boycott de l’élection présidentielle. Aujourd’hui, il œuvre clairement pour la mise en place de la réforme hospitalière longtemps différée, et qui prévoit la liquidation de l’hôpital public, la contractualisation entre les hôpitaux et la CNAS, c’est-à-dire la mise en place de la rentabilité, une réforme qui prévoit la privatisation, à travers les partenariats public/privé. Sous couvert de la revendication d’un statut spécifique pour les fonctionnaires hospitaliers, il s’inscrit pleinement dans le cadre de la liquidation du statut général de l’ensemble des agents de la fonction publique d’état. Enfin, il plaide pour une accélération de la réforme de la sécurité sociale, dont on sait qu’elle conduirait à terme à la liquidation du droit à la santé.
Voilà pour ce qu’il en est des dirigeants des centrales syndicales. Mais il convient de dire quelques mots des partis qui se réclament du mouvement ouvrier .

LES PARTIS QUI SE RÉCLAMENT DU MOUVEMENT OUVRIER LEUR EMBOÎTENT LE PAS

Nous avons longuement expliqué dans des déclarations et articles de Maghreb Socialiste, en quoi la constitution du PAD, Pacte pour l’Alternative Démocratique, (une alliance entre les organisations se réclamant du mouvement ouvrier et des organisations purement bourgeoises), constituait d’une part un moyen de dévoyer le combat pour une Assemblée nationale souveraine, mais surtout un outil pour essayer d’établir un pont avec le régime, dans le cadre d’un « dialogue apaisé ». Qu’en est-il aujourd’hui ? Force est de constater que cette orientation est poursuivie et accentuée. Concernant le FFS, il est à présent clair que cette organisation bourgeoise s’apprête à ouvrir un dialogue direct avec le pouvoir.

Pour ce qui est du PST, il entretient savamment l’ambiguïté en développant un discours en apparence radical dans ses propres colonnes tout en restant dans le cadre du PAD.
Sur le terrain, par contre, il n’y a pas la moindre ambiguïté. La déclaration du PAD le 25 juillet 2020, rendue publique au siège même du PST, concernant la grève des salariés du port de Béjaia en lutte pour la reconnaissance du droit syndical, s’inscrit totalement dans le cadre du dialogue social.
On peut y lire :
« Après plusieurs jours de grève des travailleurs du port de Bgayet, pour la défense des revendications légitimes et dans le souci de préserver le secteur névralgique qui constitue la pierre angulaire de l'activité économique de la région, l'employeur persiste par le déni du droit syndical, et ce, malgré la volonté affichée par les travailleurs d'ouvrir un dialogue responsable et serein qui permettra le dénouement de la crise. (souligné par nous) Devant cette situation, le PAD de Bgayet salue la mobilisation des travailleurs en lutte en tant que force capable de déjouer toute forme de diversion et de division et leur apporte son soutien indéfectible jusqu'à la satisfaction de leurs revendications. Nous n’avons pas choisi le chemin le plus facile, Nous n’avons pas choisi le chemin le plus court, nous avons choisi le chemin le plus juste : Le processus constituant souverain. » (souligné par nous)
« Dialogue serein », « processus constituant », voilà donc la position qu’assume sans complexe le PST de Bejaia, alors même qu’il est présenté souvent comme un courant « radical » au sein même du PST !!!

Quant au Parti des travailleurs de Louiza Hanoune, il opère clairement un repositionnement dans le sens du soutien au régime. Après avoir dû un temps contraint, par le mouvement des masses, faire quelques déclarations se prononçant formellement pour la fin du régime, le PT revient à sa position ancienne : celle du soutien « critique » au régime. La position du PT par rapport à Tebboune est en tout point similaire à celle que le PT a adopté pendant plusieurs décennies par rapport à Bouteflika. La porte-parole du PT s’est illustrée dans ce sens .
Selon le Jeune indépendant du 24 juillet 2020, « la secrétaire général du parti des Travailleurs, Louisa Hanoune, a affirmé que les arrestations des citoyens ayant dénoncé les lacunes dans les hôpitaux algériens sont "illogiques"(souligné par nous)…. Elle évoque, dans ce sens, l’exemple de la chanteuse Sihame Japonia qui a été condamnée à 18 mois de prison ferme pour “avoir posté des images sur sa page”, c’est “illogique” a-t-elle estimé. “Au contraire, ils alertent, ils tirent la sonnette d’alarme et attirent l’attention du gouvernement”, a-t-elle poursuivi estimant que “les autorités devraient remercier ces personnes qui mettent la lumière sur la réalité, parce qu’il est impossible pour les autorités de tout contrôler”. (Souligné par nous)
Dans le même sillage, Louisa Hanoune a appelé à la libération des détenus d’opinion de façon “inconditionnelle”, “afin de leur éviter qu’ils meurent du coronavirus dans les prisons” (sic!). Cette “oppression envenime la situation”, a-t-elle regretté.
“C’est vrai, il y a eu des mesures d’apaisement où quelques détenus ont été libérés récemment. Ce qui est positif”, a-t-elle dit, “mais en même temps les arrestations se poursuivent”, a-t-elle regretté en dénonçant une “dualité politique”.
(Souligné par nous)

Une honte ! Prétendre défendre les prisonniers politiques, tout en prenant acte des signes de bonne volonté du régime en la matière, c’est porter un coup de poignard aux détenus, ce que « notre pasionaria » s’empresse de faire à travers de telles déclarations.

Quant à Vos, organisation sœur de Lutte ouvrière en France, elle ne se démarque pas de son logiciel, élaboré pour l’éternité : « unité des révolutionnaires » sans le moindre principe,«extensions des luttes à la base au sein des entreprises », refus catégorique d’engager le combat au sein des organisations syndicales sur la ligne de la rupture avec le régime, et en définitive refus d’engager un combat conséquent sur la ligne d’en finir avec le système.

C’est malheureusement dans ces conditions, marquées par la collusion des dirigeants des organisations ouvrières avec le régime et la bourgeoisie, que le prolétariat doit combattre. Et pourtant, le temps presse. La réussite de l’entreprise de referendum engagée par Tebboune pourrait constituer un pas décisif dans la restauration du régime et un prélude à la liquidation du Hirak avec pour corollaire le déclenchement d’une répression féroce. La classe ouvrière a subi un revers en décembre 2019. Pourtant ses potentialités de combat, n’ont pas été fondamentalement entamées. Ce qui lui manque, c’est la structuration d’une avant-garde révolutionnaire susceptible de lui ouvrir la voie.

Pour en finir avec le système le prolétariat n’ a pas d’autre choix que de combattre  pour la rupture des dirigeants ouvriers avec le régime, et imposer le front unique sur l’axe central :

À BAS LE RÉGIME !

À BAS LA CONSTITUTION !

BOYCOTT DU REFERENDUM !

Le prolétariat n’a d’autre solution que de combattre pour imposer aux dirigeants de prendre en charge dès à présent l’organisation du boycott.
Il doit en outre leur imposer le combat, dans un cadre de front unique pour la libération inconditionnelle de tous les détenus politiques et pour la défense des droits et libertés démocratiques. 

Mais, objecteront les sceptiques, jamais les bureaucrates syndicaux ne rompront avec le régime. A cela il faut répondre : la classe ouvrière algérienne a une riche expérience de combats, y compris une expérience récente, dans lesquels elle a imposé par sa mobilisation que soient « dégagés » les bureaucrates les plus ouvertement corrompus, et que le syndicat reprenne ainsi à son compte les revendications ouvrières. C’est vers un tel mouvement à une plus large échelle qu’il faut tendre : les syndicats appartiennent aux travailleurs, ils n’appartiennent pas aux bureaucrates vendus à la classe ennemie.

C’est sur cet axe qu’œuvrent les militants de Maghreb Socialiste, en combattant pour regrouper une avant garde qui partage ces objectifs. Nous vous invitons à vous y associer

Les militants regroupés autour de Maghreb socialiste n’ont pas d’autres intérêts que ceux des masses en lutte contre le régime. C’ est pourquoi, ils militent :

Pour la chute du régime, la satisfaction de toutes les revendications démocratiques

En particulier l’élection d’ une assemblée nationale souveraine

Pour la satisfaction des revendications ouvrières, ce que seule permettra la constitution d’un véritable gouvernement ouvrier, en en finissant avec la domination impérialiste, expropriant les grands groupes capitalistes, organisant la production en fonction du besoin des masses

Immédiatement, pour l’unité des rangs ouvriers, le front unique des organisations syndicales ouvrières ouvrant sur la constitution d’une centrale ouvrière unique indépendante de l’état et de la bourgeoisie, et démocratique

Pour la constitution d’un véritable parti ouvrier

Les travailleurs et jeunes qui partagent ces objectifs ou qui veulent en discuter sont invités à prendre contact: maghrebsocialiste@free.fr
Contactez nous: maghrebsocialiste@free.fr -