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UNION NATIONALE, DIALOGUE SOCIAL ET REPRESSION POLICIERE

La visite de Valls et ses conséquences

Depuis notre article en date du 6 avril 2016, la visite prévue du premier ministre Manuel Valls , flanqué de son ministre de l’économie et d'un certain nombre de patrons français a effectivement eu lieu. Manifestement, les résultats en matière de signature de contrats sont très en deçà des objectifs que s'était fixé l'impérialisme français représenté par son ministre.

Cette visite s'est traduite par un tweet posté celui-ci, montrant une photo de Bouteflika peu à son avantage, et c'est un euphémisme.

Ce tweet traduit-il l'expression d'un certain dépit, ou constitue-t-il une simple maladresse imputable à la suffisance de Valls et à la haute idée qu'il a de lui-même ?

En tout cas il a déchaîné les foudres de toutes les forces politiques du pays, qui dans un élan d'Union Nationale rarement atteint, se sont posées en défense du régime.

Inutile de dire que ce tweet est arrivé opportunément pour effacer de l'actualité la compromission des membres hauts placés du régime, dont le ministre de l’industrie et des mines Bouchouareb dans le scandale « panama papers ». Mais au-delà de cet aspect, comment interpréter cet élan d'Union Nationale autour du régime ?

Un article du journal L'expression du 16 avril 2016 nous en donne la clef. Titré : « L'UGTA et le FCE contre-attaquent », cet article fait état d'une déclaration commune entre la centrale syndicale et l'organisation patronale rappelant à propos du tweet de Valls que les auteurs de cette cabale « ne peuvent ébranler la confiance des travailleurs algériens en leurs entreprises et en leur président qu'il ont démocratiquement élu. »

Et de préciser : « Les millions de travailleuses et de travailleurs, les 900 000 cadres syndicalistes, les quarante huit Unions de Wilayas, et les centaines d'entreprises publiques et privées du FCE rejettent cette campagne indigne de diffamation et cette tentative de déstabilisation de notre chère Algérie. »

Il serait trop long de citer les innombrables déclarations d'Union nationale et de « défense de la souveraineté » , mais force est de constater que toutes les forces politiques et syndicales se sont données le mot. A quoi correspond donc ce grand élan de solidarité avec le pouvoir ?

L' unité nationale pour frapper plus durement le prolétariat algérien.

On le sait, avec un baril de pétrole à 40/45 dollars, c'est la faillite qui à très court terme menace l’Algérie. C'est la raison pour laquelle ce régime en crise a d'ores et déjà commencé à s’en prendre au prolétariat et à ses conditions matérielles d’existence à travers l'adoption de la loi de finances 2016, mais aussi et surtout, a décidé de frapper plus fort contre les masses à travers les mesures qu'il envisage de prendre comme la suppression de centaines de milliers d'emplois publics sur les « conseils » du FMI, la fin du subventionnement des produits de première nécessité , la remise en cause du droit à la santé, la remise en cause du régime des retraites. C'est le sens de la Tripartite convoquée par le ministre Sellal en juin, qui verra réunis à la même table le FCE (forum des chefs d'entreprises), l'UGTA, et le gouvernement. Cette tripartite, comme nous l'évoquions dans l'article précédent, s'inscrit sous le signe d'un « nouveau modèle économique », qui n'est ni plus ni moins qu'un modèle visant à remettre en cause tout ce qui reste d’acquis pour le prolétariat algérien. D'ores et déjà une réforme du régime des retraites meurtrière est annoncée. Mais pour cela le gouvernement ne peut s'appuyer que sur le dialogue social, c'est à dire sur la collaboration active des organisations syndicales (UGTA et Syndicats autonomes) dans le cadre de la mise en place de ses plans.

Or on le sait, le dialogue social, c'est à dire la collaboration des organisations syndicales pour le compte du FCE et de la bourgeoisie, constitue l'obstacle majeur à la mobilisation des masses pour la défense de leurs revendications élémentaires et pour lutter contre ce régime. Et en dernière analyse, pour échapper à la la mâchoire du dialogue social et de la répression gouvernementale, les masses algériennes n'ont d'autre issue que d'imposer la rupture de leurs organisations syndicales avec le gouvernement

Un exemple révélateur : la mobilisation des enseignants contractuels

Nous évoquions cette mobilisation dans notre article du 6 avril . Cette mobilisation a atteint son point d'orgue avec le sit-in de plusieurs centaines d'enseignants contractuels dans la ville de Boudaou, où leur marche partie de Bejaia pour se rendre Alger a été interrompue par les forces de police. Il semble important de resituer le contexte.

En fait, ce sont des dizaines de milliers d'enseignants contractuels qui revendiquent la possibilité d'être titularisés sans passer les concours. Certains enseignants exercent depuis quinze ans avec des salaires de misère. En réponse à cette revendication, la ministre de l'éducation Nouria Benghebrit a simplement proposé d'ouvrir le concours aux contractuels en bonifiant leurs années d’expérience. Or il s'avère qu'à la date de clôture des inscriptions, 963 602 candidats étaient inscrits pour 24 000 postes à pourvoir !

Autant dire que ces concours prennent la forme d'une véritable loterie dans le meilleur des cas, mais en réalité, il ne fait aucun doute que les dés sont pipés d'avance surtout si l'on tient compte du recours probable à la fraude massive et au piston. On comprend dès lors la revendication portée par les enseignants contractuels. Mais il faut savoir que cette revendication concerne aussi ceux que l'on appelle les corps commun de l'éducation qui travaillent dans des conditions de précarité identiques et dont certains ne perçoivent même pas le SNMG.

Et dans ce cadre, les dirigeants des organisations syndicales et singulièrement des syndicats autonomes, (CNAPESTE et CLA notamment), offrent leurs bon services en demandant une rencontre avec le ministère pour proposer leur médiation, au lieu de défendre la revendication des contractuels

Le journal L'Expression du 18 avril précisait :  « De son coté, le chargé de communication du CNAPESTE, Massoud Boudiba a qualifié les déclarations du premier ministre de « positives », « car il n'a pas fermé les voies du dialogue » ; « Les trois syndicats qui vont assurer la médiation entre les deux parties (souligné par nous), ont déposés hier, leur demande d'audience à la chefferie du gouvernement pour discuter de la situation des enseignants contractuels et tenter de trouver une solution concrète à leurs problème »

Ainsi donc, en lieu et place de la défense de la revendication, les dirigeants syndicaux proposent une médiation entre les deux parties !!!! et tout cela au nom du dialogue social auquel ils s'accrochent comme une tique sur la peau d'un chien.

Malheureusement, le résultat de cette politique s'est traduit dès le lendemain par une intervention des forces de l'ordre d'une rare violence pour réprimer les enseignants, en pleine nuit. Cette intervention pour évacuer les manifestants de la place, s'est traduite par de nombreux blessés et finalement, la place a été évacuée sous le regard horrifié des habitants . Et le responsable du CNAPESTE de se lamenter dans une « lettre de médiation » au ministre , regrettant « que le gouvernement, qui a actionné cette décision d'évacuation ait fermé la porte au dialogue et à l'arbitrage alors qu'on fondait un grand espoir sur le premier ministre après ses déclarations faites à Constantine. » Liberté 19 avril 2016.

Ainsi , les contractuels se retrouvent coincés entre le marteau de la répression du gouvernement et l'enclume du dialogue social et de la « médiation » chers aux dirigeants syndicaux . A l'heure ou ces lignes sont écrites, il est difficile de ce prononcer sur l'issue du conflit, même si la violente répression et le repli des contractuels sur Bejaia constitue un rude coup porté  aux contractuels.

La leçon doit être tirée

La politique du « dialogue social », le satisfecit accordé au premier ministre par les dirigeants syndicaux n'avait d'autre fonction que de préparer et de couvrir la violente charge policière à travers laquelle le pouvoir entendait non seulement liquider la lutte des contractuels mais aussi faire un exemple ayant valeur d'avertissement contre tout le prolétariat.

En définitive, combattre pour en finir avec ce régime suppose donc en premier lieu d'imposer aux organisations syndicales (UGTA et Syndicats autonomes) de rompre le dialogue social et d'engager un combat dans le cadre d'un front uni pour la satisfaction des revendications ouvrières. C'est à travers ce combat que pourront être posés les premiers jalons pour la construction d'un authentique parti ouvrier orienté sur la perspective d'en finir avec le régime en vue de la prise du pouvoir pour le compte du prolétariat .

Le 23 avril 2016

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