maghreb socialiste

FACE A LA FARCE ELECTORALE :

RUPTURE DES DIRIGEANTS DE L’UGTA ET DES SYNDICATS AUTONOMES AVEC LE POUVOIR!

MANIFESTATION CENTRALE SUR LES MOTS D’ORDRE SUIVANTS :

NON AU CINQUIEME MANDAT!

BOUTEFLIKA DÉGAGE!

ASSEMBLÉE NATIONALE SOUVERAINE!

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UNE LENTE MAIS INEXORABLE DESCENTE AUX ABÎMES POUR L’ÉCONOMIE ALGÉRIENNE

Les pays dominés et particulièrement les pourvoyeurs en énergie et en matière première sont violemment impactés par la crise récurrente de l’économie capitaliste, avec une perspective prochaine de récession. Cela vaut notamment pour le Brésil, le Venezuela, cela vaut bien évidement pour l’Algérie, dont l’économie rentière est presque exclusivement liée à l’exportation du pétrole et du gaz ; avec un baril de pétrole oscillant entre 50 et 60 dollars, le pays s’enfonce inexorablement vers l'abîme. Il n'y a rien d'exagéré à dire que tous les paramètres économiques indiquent que l'Algérie court à la catastrophe dans des délais rapprochés

Le premier paramètre concerne l'endettement. Le budget algérien a longtemps été excédentaire. Mais déjà en 2016, la dette s'établissait à 20,6% du PIB. Elle s'établit aujourd'hui à 40%. Certes, en valeur absolue, c'est infiniment moins que la dette de certains pays (européens par exemple), ou même que beaucoup de pays d'Afrique qui ont vu également leur dette augmenter de manière très importante (par exemple le Mozambique: 40% en 2012, 118% aujourd'hui). Mais ce qui importe, c'est la trajectoire plus que le chiffre en valeur absolue. Bien sûr les finances publiques dépendent pour une part du prix du baril notamment. A cet égard, malgré les restrictions de production décidées par l' OPEP – donc l'Arabie Saoudite-, la tendance de fond (réduction de la demande à venir suite au ralentissement chinois, augmentation de la production du pétrole de schiste aux USA) demeure une tendance à la baisse. La baisse du prix du baril n'est pas la seule en cause. La production en hydrocarbures est elle même sur une pente dangereusement descendante. De septembre 2017 à septembre 2018, elle s'est réduite de 7,8%. Pire encore, au 3ème trimestre 2018, la liquéfaction du gaz naturel a diminué de 26%. Le ministre a déclaré avant de se dédire de manière spectaculaire : "A partir de 2023, l'Algérie n'exportera plus de gaz". Il a ensuite déclaré que les réserves de gaz "étaient illimitées". C'est le gaz qui fournit à travers les centrales ad hoc la quasi totalité de l'électricité consommée en Algérie, consommation qui tend à augmenter ne serait ce qu'en raison de l'évolution démographique.

Dans cette situation, le gouvernement algérien pratique sans restriction la politique de la planche à billets : 5000 milliards de dinars fin septembre ( soit au cours réel la somme faramineuse de 25 milliards d'euros). Sans cet artifice, le gouvernement serait incapable de payer les fonctionnaires.

La conséquence de ce recours, c'est la dévaluation du dinar par rapport aux monnaies "fortes" : 105 dinars pour un euro en 2014 contre 135 dinars pour une euro en 2018. Il s'agit là du taux de change officiel mais au marché noir 1 euro se négocie à plus de 210 dinars. Naturellement, la dévaluation conduit à une augmentation du prix des marchandises importées, soit une bonne partie par exemple des produits alimentaires donc à une dégradation des conditions d'existence des masses. L'inflation estimée à 4,5% en 2018 est pronostiquée à 7% en 2019 par les différentes officines économiques.

Concernant le régime des retraites, El Watan indique que : "La crise de la CNR ne date pas d’hier et évolue dans une courbe ascendante. En 2014, la difficulté financière tournait autour de 155,1 milliards de dinars. Deux ans après, elle est passée à 336,8 milliards de dinars pour atteindre plus de 479,1 milliards en 2017. Un chiffre qui a encore une fois explosé en 2018 pour atteindre les 560 milliards de dinars."

Évidemment dans ces chiffres, il faut faire la part de la propagande visant à justifier de nouvelles attaques contre les droits en matière de retraite. Mais il y a un chiffre qui lui est probablement exact : c'est celui qui indique que 43% des salaires sont des salaires sans cotisation retraite pour la bonne raison qu'ils relèvent du secteur informel, non déclaré.

UN PAYS TOTALEMENT SOUMIS AUX DIFFÉRENTES PUISSANCES IMPÉRIALISTES

Un pillage économique scientifiquement orchestré

Le poids de l'impérialisme – des différentes puissances impérialistes - en Algérie s'approfondit . Récemment, les groupes chinois ont passé un accord 51/49 avec la Sonatrach pour un investissement de 6 milliards de dollars visant à l'extraction de phosphate dans l'est de l'Algérie (Tebessa), et même si ce projet d'accord semble voué à l’échec du fait de la décision récente de Wengfu de se désengager, cela ne change rien à la tendance en cours. La Chine qui occupe par ailleurs une place décisive dans le secteur du BTP ( logements/ autoroute Est Ouest/ grande mosquée d'Alger) est devenue le premier pays exportateur en Algérie. Le vieil impérialisme français, même s'il a tendance à être relégué au second rang, continue à avoir une place importante en particulier dans le secteur bancaire et des hydrocarbures : complexe pétrochimique d'Arzew près d'Oran pour 1,4 milliards de dollars. Quand aux États Unis ils occupent une place de choix dans les pillages des ressources et matières premières.

Soumission aux diktats en matière de chasse aux migrants

Cette dépendance a aussi sa traduction politique dans la collaboration accrue du gouvernement algérien avec les gouvernements français et US tant dans la lutte "anti terroriste" – accords d'extraditions – que dans l'expulsion au Niger des migrants d'Afrique subsaharienne remontant par l'Algérie ; ( rappelons que l'UE en l'occurrence sous la houlette de Macron a installé au Niger des camps de migrants où on est censé étudier les demandes d'asile politique) . Selon les estimations de l'Organisation internationale pour les migrations de l'ONU (OIM), l'Algérie a expulsé vers le Niger 35.600 Nigériens depuis 2014 dont plus de 12.000 depuis le début 2018 - ainsi que plus de 8.000 migrants d'Afrique de l'Ouest depuis septembre 2017.

Cela suscite l'indignation d'organisations telle que la LDDHA algérienne comme l'indique el Watan du 14 février 2019. Dans un communiqué rendu public, le bureau d’Oran de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH) a dénoncé le refoulement d’une soixantaine de migrants subsahariens à partir du centre situé à Bir El Djir. «Le Bureau d’Oran a été informé que parmi les migrants se trouve le jeune Giresse Monsemvula, de la République démocratique du Congo, qui aurait été embarqué à partir de la cité universitaire C2 car il s’agit bien d’un étudiant», précise le communiqué de la LADDH, qui affirme que ce jeune, pourtant étudiant, «aurait subi ce sort car il s’occupait du sort des migrants qui se trouvent à Oran ce qui n’a pas du plaire aux autorités».

Notons l'indignation de Louisa Hanoune qui proteste contre l'expulsions de migrants – dans ce cas précis yéménites, palestiniens et syriens, vers le Niger... et propose qu'ils soient emprisonnés en Algérie et renvoyés dans leur pays! "Sur un autre volet, la secrétaire générale du PT, questionnée sur le refoulement vers le territoire nigérien de ressortissants palestiniens, syriens et yéménites au motif officiel que ceux-ci présentent des «dangers sécuritaires pour le pays», elle répond : «Ils ont accusé des Yéménites d’être des chiites, nous ne sommes pas en guerre religieuse contre les chiites, ce sont des aberrations inacceptables. Les Yéménites et les Palestiniens ne sont pas des terroristes.» Elle rappelle que la décision d’expulsion est en contradiction avec les coutumes et la tradition de notre pays. Mme Hanoune avait déjà proposé que ces migrants soient jugés et emprisonnés en Algérie, où il y a bien des détenus de différentes nationalités, interpellés et jugés pour divers délits, ou qu’on les remette aux autorités de leur pays d’origine".

Elle prend d'ailleurs soin d'éviter de parler des migrants sub-sahariens qui constituent le gros des bataillons de migrants expulsés sans ménagement , dans des conditions qui relèvent de la barbarie comme en témoigne France info Afrique dans un article du 26 juin 2018 : Chassés d’Algérie, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont été forcés, ces derniers mois, à traverser le désert du Sahara à pied. Tous ont été abandonnés au poste-frontière sans eau et sans nourriture. Pour rejoindre Assamaka, le village frontalier le plus proche du Niger, il faut marcher plus 15 kilomètres sous des températures dépassant parfois les 40 degrés.

Concernant les migrants d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest, d’après les estimations, ils seraient plus de 100 000 dans le pays. En 2015 il y a eu plus d’une vingtaine de morts dans des conditions mystérieuses à Ouargla sur 600 migrants placés dans un hangar comme du bétail ; les femmes et les enfants, sont transportées dans de gros camions jusqu’à la frontière, puis à pied, dans le désert. Affamés, nombreux sont ceux qui ne parviennent pas à rejoindre les premiers villages du Niger et qui meurent en cours de route.

LES CONDITIONS DE VIE DES MASSES PROFONDÉMENT DÉGRADÉES

Un chômage endémique

La première réalité, c'est celle du chômage de masse en particulier pour la jeunesse. C'est quasi quotidiennement que se développent des mouvements en particulier dans la jeunesse pour le droit au travail :

"le chômage serait de 11,6% en 2018 et pourrait augmenter à 12,3% en 2019.Pour la BM, les restrictions sur le marché du travail ainsi que l’environnement des affaires empêchent le secteur privé d’être le moteur de création d’emplois, spécialement pour les personnes diplômées. La BM précise qu’entre 2015 et 2017 la part des chômeurs non diplômés est passée de 23,4% à 25% tandis que la part de l’emploi public dans l’emploi total est passée de 42% à 38,6% sur la même période, traduisant la difficulté à créer de l’emploi pour les diplômés."  « source lettre économique d’Algérie ministère du trésor français. » Encore faut-il se méfier de statistiques qui masquent une autre réalité, celle de l'emploi informel, des différentes formes de "contrats aidés" et autres artifices qui ne permettent pas aux travailleurs et en particulier à la jeunesse, de subvenir à leurs besoins élémentaires. Pour l'illustrer il suffit de consulter la presse. Ainsi la Dépêche de Kabylie du 10 Janvier nous apprend : "Des dizaines de jeunes chômeurs sont revenus à la charge, hier matin, en organisant un rassemblement de protestation devant le siège de l’APC de Bordj Okhriss, situé à une cinquantaine de kilomètres au sud de la wilaya de Bouira. À travers cette action de protestation, ces jeunes diplômés sans emplois ont voulu attirer l’attention des responsables locaux pour la création, au niveau de cette commune des hauts plateaux, d’une zone locale d’activités qui abritera des investissements porteurs d’emploi. Joints par téléphone, les jeunes protestataires ont dénoncé «un manque endémique» d’emplois dans cette région qui présente pourtant plusieurs atouts économiques : «Notre commune et la région tout entière est complètement désertée et isolée ! A part les quelques commerces existants, le marché et les établissements publics, nous n’avons aucune chance de trouver un poste d’emploi, même si nous sommes tous diplômés des universités et des centres de formation. Notre commune dispose de terrains nécessaires pour abriter au moins une petite zone d’activités qui pourra attirer des investissements créateurs d’emploi», a expliqué Omar, un jeune chômeur de cette commune, qui dénonce également le gel des recrutements au niveau de la mairie et d’autres services publics, en réclamant le renforcement des effectifs exerçants au niveau des services publics : «Beaucoup de postes sont vacants au niveau de la mairie et de la daïra. Les services publics manquent d’effectif et le rendement est aussi réduit. Nous interpellons les responsables de la wilaya pour débloquer des postes pour le recrutement au niveau de la mairie, la daïra, les établissements scolaires, la piscine municipale et l’antenne locale de la CNAS, ce qui permettra aux jeunes de la région d’accéder à ces postes d’emploi et assurer les prestations de service aux citoyens de la région»"

A cela il faut ajouter les indices inquiétants concernant la situation des entreprises qui frôlent parfois la cessation de paiement et ne sont plus en mesure de payer leur salariés à l'exemple des 3500 salariés de l'entreprise Alerecc. El Watan du 13 février 2019 témoigne: Tous les travailleurs du groupe Alerecc n’ont pas été payés depuis plusieurs mois. On est plus de 3500 à l’échelle nationale. Il n’y a que nos responsables qui perçoivent leurs salaires à temps et nos collègues de la filiale de Ain El Beida», dira un employé. Et d’ajouter : «Nous sommes considérés comme des esclaves. Barakat, on en a marre de la hogra.» Selon lui, 80% des effectifs du groupe sont des contractuels. «On n’a ni convention collective, ni le droit aux œuvres sociales. Le syndicat du groupe est vendu, alors que celui de la filiale a été créé en novembre dernier. Ils n’ont jamais défendu nos droits alors que notre paie ne peut même pas couvrir les frais du pain et du lait. La prime de panier est fixée à 250 DA et celle du transport à 100 DA. On a droit au repos que le vendredi. C’est de l’exploitation déguisée. Même les tenues de travail, ce sont nous qui les achetons», s’emporte un autre ouvrier.

La question du logement

De la même manière, il ne se passe pas un jour sans que s'organisent des rassemblements spontanés d'habitants des bidonvilles pour réclamer le droit à un toit. Pour des centaines de milliers d'Algériens ce droit n'existe pas. Les quelques logements disponibles sont distribués selon les critères du copinage et de la corruption laissant dans le dénuement les familles qui en ont le plus besoin.

Les plans de construction de logements sociaux – si on laisse même de côté la qualité de ceux ci et d'abord la qualité des matériaux utilisés – sont bloqués par l'incapacité de l'Etat de régler la facture des entreprises constructrices. El Watan du 9 Janvier évoque cet envahissement du siège de la Wilaya à Tiaret : "Le siège de la wilaya a été investi, hier matin, par quelques dizaines d’habitants du bidonville «Enahla», situé dans la proche banlieue de Karman. Une protestation pacifique pour réclamer des pouvoirs publics un relogement, voire une aide dans le cadre de la résorption de l’habitat précaire." De même de nombreuses mobilisations locales portent sur l'accès à l'eau, faute des travaux nécessaires en permettant l'accès.

L'accès à l'école de plus en plus précaire

Ce qui vaut dès l'école primaire : absence de ramassage scolaire contraignant les enfants à faire des kilomètres à pied matin et soir pour arriver à l'école, défaut de chauffage dans les salles de classe , repas à la cantine aléatoires ou insuffisants: El Watan du 8 Janvier nous apprend par exemple : "Ces jours-ci à Kantidja, un village du douar de Boumahni, le thermomètre indique des températures très basses. Un froid glacial sévit, en effet, dans cette localité haut perchée, rendant la scolarité des enfants de l’école Frères Titouche, non raccordée au gaz naturel, très pénible. «Ils souffrent du froid. Est-ce qu’on peut réellement chauffer une salle de plus de 40 mètres carrés avec un bain d’huile?», s’interrogera un parent d’élève. Celui-ci nous apprendra que, selon les informations qu’il détient, les poêles à mazout vétustes sont en panne : «On nous a dit qu’ils sont en réparation. Pourquoi attendre ces moments de grands froids pour penser à ces enfants? Vraiment, il est impossible à ces petits chérubins d’assimiler leurs cours correctement dans des conditions pareilles."

En réalité, toutes les couches du prolétariat sont impactées comme jamais par la situation économique du pays et par la politique du gouvernement. Les exemples sont si nombreux qu'ils serait vain de les citer, et il suffit de parcourir la presse pour s'en apercevoir

AU SOMMET DE L'ETAT : UNE LUTTE A COUTEAUX TIRÉS

La dégradation continue de la situation économique de l'Algérie et des conditions matérielles des masses , et par conséquent la crainte de leur surgissement, est à la base de la crise qui secoue les sommets de la société algérienne. A cela se rajoute la crise de succession provoquée par l'imminence des élections présidentielles.

La bourgeoisie algérienne en crise

Le maintien de l'ordre en Algérie était fondé sur l'existence de la rente pétrolière – qui demeurait consistante y compris après que les trusts impérialistes en aient extorqué par spoliation une large part au plan économique . Même si la rente était dans la plus large partie accaparée par la bourgeoisie algérienne et la caste militaro bureaucratique, elle permettait aux masses de survivre juste au dessus du seuil de famine.

Par ailleurs ce maintien de l'ordre était fondé sur la personne , même de plus en plus chancelante du bonaparte Bouteflika, qui imposait vaille que vaille aux différentes factions rivales un armisitice de plus en plus précaires. L'armée ( ANP) constituait le point d'appui du régime tout en renonçant à exercer directement le pouvoir. Or les piliers de cet ordre social sont au bord du point de rupture et aujourd'hui nul n'est à même de contenir les forces centrifuges qui s'exercent à tous les niveaux du sommet. Cette crise est d'abord la crise de la bourgeoise algérienne, du patronat. Elle se manifeste dans l'antagonisme entre le FCE , syndicat patronal algérien derrière Haddad, et le PDG de Cetival, Rebrab. Cetival est le groupement industriel algérien le plus important présent non seulement sur le sol algérien mais aussi en Europe (Italie, France etc.). Le FCE fait bloc derrière le régime avec lequel à l'inverse Rebrab est en conflit. Rebrab a par exemple été écarté du chantier du port en eau profonde d'Alger, au profit des chinois. Il est en conflit permanent avec les autorités du port de Bejaia quant aux normes des produits qu'il importe pour sa propre production.Il n'a pas hésité à organiser contre la direction du port un mouvement de "ses" ouvriers contre les autorités portuaires.

Il faut préciser que la bourgeoisie algérienne s'est constituée et a prosperé sous l'aile protectrice de l'armée, en particulier sous la présidence de Bouteflika à partir des années 2000. C'est d'ailleurs à cette époque qu'a été constitué le FCE qui a d'ailleurs été dirigé un temps par le patron de Cevital, écarté par la suite du fait de sa prise de position en soutien à Ali Benflis aux présidentielles précédentes.

Une crise ouverte dans les cercles dirigeants de l'armée

Il est difficile de revenir sur la valse des limogeages, mises à la retraites, épurations opérées ces derniers mois par le clan au pouvoir au sein de l'armée et des services.

Déjà Le Monde Afrique de septembre 2018 indiquait: En Algérie, le commandant des forces terrestres, le commandant des forces aériennes et le directeur de la Caisse nationale militaire de la sécurité sociale ont été débarqués, lundi 17 septembre, et mis à la retraite. Ils sont les derniers généraux victimes d’une vague sans précédent de limogeages au sein de la haute hiérarchie de l’armée. La valse des hauts gradés avait commencé le 26 juin par le renvoi du directeur général de la sûreté nationale (DGSN, police), le général-major Abdelghani Hamel, en relation avec une saisie record (701 kg) de cocaïne opérée par les services de l’armée au port d’Oran. L’éviction de cet homme proche du clan présidentiel et qui semblait promis aux plus hautes charges avait surpris, mais des informations distillées par quelques médias privés notamment Ennahar, devenus des canaux privilégiés du pouvoir, ont fait état de l’implication de son chauffeur personnel dans l’affaire de la saisie de cocaïne. Dix jours plus tard, c’était au tour du commandant de la Gendarmerie nationale, le général-major Menad Nouba, de passer à la trappe. Puis, en août, les limogeages visèrent pas moins d’une quinzaine de généraux. Ces mesures ont concerné des chefs de région militaire, le directeur central de la sécurité de l’armée (DCSA, renseignements), le contrôleur général de l’armée et enfin le commandant des forces terrestres. Toute la haute hiérarchie militaire est touchée au point d’amener certains à parler de « décapitation ».

A cela il faut rajouter la purge au sein du corps préfectoral. Un vaste mouvement qui concerne 40 walis dont 28 mutations, 11 fins de fonctions et 12 nouvelles nominations dont 6 promotions de walis-délégués et 6 secrétaires généraux. Encore récemment, c'est le chef de la DGSN Lahdiri qui a été limogé, 8 mois a peine après sa nomination en remplacement du général Hamel, écarté dans le cadre d'une affaire de trafic de drogue.

Ce qui est en jeu dans cette lutte aujourd'hui ouverte entre les différentes factions de l'armée, c'est la lutte pour la succession qui fait rage à l'occasion des élections présidentielles. La candidature d'Ali Ghediri aux présidentielles, général en retraite, qui a le soutien Toufik, ancien chef du DRS ( écarté en 2015), témoigne des affrontements ouverts qui minent les différents clans de l'armée et de la bourgeoisie. Cette candidature a fait l'objet de violentes diatribes de la part du ministre des armées Ghaid Salah, qui met à exécution ses menaces à l'image de l'arrestation récente de 13 officiers supérieurs de l'armée algérienne. La presse rapporte à ce sujet: Le général de corps d’armée et vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah, a ordonné récemment la mise aux arrêts de 13 officiers supérieurs (lieutenants-colonels et colonels) de l’ANP, selon une source proche de cette institution. Il leur est reproché d’avoir pris attache avec le candidat à la présidentielle, le général-major à la retraite Ali Ghediri, en dépit de la circulaire que Gaïd Salah avait signée le 24 janvier dernier, laquelle rappelle l’interdiction faite à tout militaire en fonction d’avoir une activité partisane. La circulaire somme le personnel militaire de ne pas avoir de contact avec les candidats à l’élection présidentielle. D’aucuns ont compris que c’était Ali Ghediri qui était visé par cet interdit. Les officiers incriminés avaient effectivement contacté par téléphone leur ancien responsable hiérarchique pour lui exprimer leur sympathie et leur soutien dans son entreprise de briguer le poste de président de la République. Ils croupissent dans leur cellule depuis plusieurs jours sans que l’opinion publique ne soit informée de ce fait unique dans les annales. Il est impensable de croire que, dans ce troisième millénaire de l’internet et des réseaux sociaux, on puisse priver une personne de sa liberté seulement pour un appel téléphonique. Si la Constitution interdit à l’institution militaire toute implication dans le champ politique et aux éléments qui la composent d’avoir une activité politique publique, elle n’empêche aucunement aux militaires d’avoir en tant que citoyens à part entière des opinions politiques et d’exercer leur droit de vote. Dans cette optique, la circulaire de Gaïd Salah est en totale inadéquation avec la Loi fondamentale. Pour l’heure, on ne sait pas si cette mise aux arrêts signifie une possible traduction devant un tribunal militaire. Gaïd Salah, qui a eu la main lourde contre les 13 officiers supérieurs, semble vouer une haine particulière à Ali Ghediri. A ce titre, nous avons appris, de bonnes sources, que le frère de ce dernier, lieutenant-colonel dans les Services (ex-DRS), vient d’être muté à Aïn M’guel, dans le grand sud du pays sur ordre de Gaïd Salah. Pourtant cet officier supérieur des services de renseignement a déjà accompli ses cinq années obligatoires dans le Sud.

DES ELECTIONS SOUS HAUTE TENSION

La candidature Bouteflika : une farce macabre

Annoncée le 10 fevrier, après de longs mois de suspense et d'incertitude, la candidature Bouteflika constitue une tentative désespérée de repousser les échéances. Désesperée car personne ne peut ignorer l'état de santé de Bouteflika en réalité hors d'état d'assumer les fonctions. Mais la faction dirigeante n'a d'autre solution pour repousser les échéances face au chaos final qui se profile dans le contexte économique et social présent. Appuyé par le RND, le FLN, le FCE mais aussi l'UGTA , cette candidature constitue une tentative de maintien de l'ordre en place alors même que tout le monde est conscient que les plus grandes menaces pèsent, compte tenu de l'affaiblissement physique et politique du président en poste. Alors que cette candidature vise à souder les forces en présence autour d'un homme providentiel, c'est en réalité un semi-cadavre que le clan au pouvoir offre comme solution. Et cette décision ne fait qu'accentuer le développement de forces centrifuges au sein du sérail, au point qu'il ne se passe pas un jour sans que Ghaid Salah, chef des armées ne s'en prenne violemment à ceux qu'il qualifie d'ennemis de l’intérieur, sans préciser ouvertement à qui il s'adresse mais en mettant ses menaces à exécution, comme indiqué précédemment, à propos des partisans de Ghedri. En réalité l'impasse dans laquelle se trouve le pouvoir doit être mise en lien avec l'angoisse qui les taraude quand à l'irruption des masses sur leur propre terrain , celui de la lutte des classes. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le pouvoir en place propose dans la foulée de l’élection, la convocation d’une conférence nationale dont la fonction évidente et de tenter de rétablir un cadre d’union nationale pour contenir les masses.

Retour sur la candidature de Ghediri

Un candidat qui sollicite l'onction de l'impérialisme

Candidat soutenu par une fraction importante de la bourgeoisie algérienne et de certains pans de l'armée et des services, bénéficiant de la bénédiction de l'ancien chef du DRS Toufik nommé jadis "Rab el Djazair" ( dieu de l’Algérie),il semblerait que cet ancien général à la retraite constitue la seule alternative crédible dans le cadre de ces élections pour certaines factions de l'armée et de la bourgeoisie; c'est du moins ce qu'il revendique. Il ne fait aucun doute que le programme de Ghediri ne diffère pas d'un iota de celui du clan présidentiel. Il s'agira, s'il prend les rennes du pouvoir, de poursuivre en les accentuant les coups portés contre le prolétariat. Dans les 8 points du programme de Ghediri, mettons l'accent sur sa volonté de:

“rompre avec les inégalités sociales et orienter l’aide de l’État dans quelque domaine que ce soit vers les franges de la population qui en ont réellement besoin”. “rompre avec le discours démagogique, les pratiques populistes et la distribution politiquement intéressée de la rente”. “rompre avec l’économie de rente et avec la dépendance des hydrocarbures par la promotion d’une économie de production réhabilitant l’effort.

Ces trois points à eux seuls témoignent à mots à peine couverts de la volonté de Ghedri de poursuivre en les accentuant les attaques contre les acquis subsistants du prolétariat. Au cœur de l'offensive: la liquidation du code du travail, la liquidation des produits subventionnés, les privatisations, la défense des intérêts de la bourgeoisie algérienne et la poursuite du pillage des ressources pétrolières et des matières premières au profits des puissances impérialistes et de la Chine.

Quand aux aspects institutionnels il s'agit principalement de “restaurer l’autorité de l’État en renforçant ....”, indépendamment des vagues promesses sur la démocratie. Les promesses n'engagent que ceux qui y croient..

Mais ce qui importe, c'est que le candidat Ghediri cherche à fournir un certain nombre de garanties aux puissances impérialistes et tout particulièrement à l’impérialisme US. C'est le sens d'une rencontre secrète qui s'est tenue entre le général et les services de sécurité américain à Paris. Les médias commentent cette rencontre de la façon suivante : Paris reste une base arrière fort utile quand il s’agit de se rencontrer dans la plus grand discrétion. La semaine dernière, une réunion tenue secrète a eu lieu à l’ambassade des Etats Unis en France entre les services sécuritaires américains et deux personnalités algériennes. La première était le général Ali Ghediri, un des plus proches collaborateurs du général Toufik, le chef pendant vingt cinq ans du tout puissant DRS (services algériens); la seconde était une ministre des Affaires Sociales de l’ancien Premier ministre du président Bouteflika, Abdelmalek Sellal, et par ailleurs membre du RND, le deuxième grand parti algérien. Monde afrique 18 janvier 2019.

En tout état de cause quelques soient les clans à la manœuvre , le régime est miné par une crise et une paralysie, liées à la crainte des réactions que ne manqueront pas de susciter dans la classe ouvrière, les attaques contre les maigres acquis sociaux qui sont prévues dans les feuilles de route des principaux candidats. Tout le monde sait que les élections en Algérie ont toujours été une farce, qu'elles sont le paravent "démocratique" des choix de l'armée. Cette année, cela tourne au ridicule avec 140 prétendants putatifs à la magistrature suprême.

Au final l'impasse

Au bout du compte, le maintien de la présidentielle en avril, la candidature de Bouteflika, illustrent l'impasse irrémédiable , politique et économique dans laquelle se trouve profondément engagé le régime, doublée d'une crainte de l’émergence de la classe ouvrière sur son propre terrain. Dores et déjà, la presse et les réseaux sociaux font état de manifestations spontanées dans de nombreuses villes du pays, qui ont eu lieu au lendemain de l'annonce de la candidature de Bouteflika pour un cinquième mandat. Il ne nous est pas possible à ce jour d'en mesurer l'ampleur mais on ne peut rien exclure d'autant que la jeunesse occupe une place centrale dans ces manifestations.

La seule issue pour le prolétariat serait l'organisation d'un boycott effectif de ces élections mais cela supposerait que le prolétariat dispose de moyens permettant son organisation effective, en imposant notamment à ses organisations syndicales de l’organiser. L'aspiration au boycott s'exprime d'ailleurs en creux à travers les manifestations contre le cinquième mandat à l'exemple de la manifestation dont rend compte, vidéo à l' appui, le journal El watan du 17 février 2019: La marche, qui a commencé au centre ville de Kherrata vers 10h00, a drainé une grande foule, environ un millier de personnes de tous les âges. Les manifestants, munis de drapeaux noirs, ont scandé des slogans hostiles aux dirigeants du pays tel : « Y’en a marre de ce pouvoir ». Ils ont brandi des pancartes et des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : « je suis Algérien, je suis contre le 5e mandat », « pouvoir assassin » ou encore « le mandat de la honte ». La marche, organisée suite à un appel lancé par des jeunes de la région dont des médecins, architectes…, s’est déroulée en « l’absence totale » des forces de sécurité, a appris El Watan.com auprès de sources locales.

A l'heure où cet article est écrit, il semblerait que la multiplication de ces manifestations donnent au mouvement contre le cinquième mandat un caractère national, qui n'exclut pas la possibilité d'un embrasement généralisé. Il conviendra de le suivre au jour le jour. On peut dores et déjà citer Oran, Tiaret, Kherata, Bourdj Bou Arreridj, Djijel, Ain el Beida, Ain Mlila, Sidi Bel Abbes...

Actuellement, seul le FFS appelle formellement au boycott, les autres organisations de "l'opposition" étant dans l'expectative. Le PT, traversé semble-t-il par une crise entre les partisans de la participation et ceux qui, dans le sillage de L Hanoune y seraient opposés, a tout de même retiré les formulaires de candidature en attendant la position finale de son comité central. Quant au RCD, il n'appelle ni au boycott, ni a la participation, expliquant que ces élections ne sont pas le problème des algériens et mettant en garde contre les manipulations dont seraient victimes les manifestants contre le cinquième mandat.

Le régime quant à lui est en panique face à l'éventualité de la mobilisation des masses contre cette mascarade électorale. El Watan du 3 fevrier rapporte les propos du ministre Ouyahya : «Ils ont décidé de boycotter. Ils sont libres. C’est la démocratie. Ils ont tenté de recourir à la rue auparavant. Le gouvernement a prouvé qu’il maîtrisait la rue. On ne les laissera pas semer le chaos. Les manifestations publiques des boycotteurs seront interdites et l’Etat, rassurez-vous, est capable de faire face au mouvement de foule et à la confusion», a mis en garde Ouyahia. La crise est par ailleurs alimentée en continu par les développements de la lutte des classes, alors même que la classe ouvrière d'Algérie manque cruellement des moyens politiques de dénouer la crise à son profit

MALGRE LES COUPS PORTÉS LE PROLETARIAT DEVELOPPE UNE ACTIVITE INTENSE

D'importants coups portés

La réforme des retraites constitue une victoire du gouvernement avec le soutien de l'UGTA. Il ne faut pas l'oublier : le gouvernement avec le soutien plein et entier de la direction de l'UGTA a remporté une victoire majeure avec l'adoption de la contre réforme des retraites en décembre 2016, imposant d'avoir dépassé l'âge légal de 60 ans pour bénéficier de la retraite, c'est à dire mettant fin au système de la "retraite proportionnelle" qui permettait aux travailleurs de partir avant et de toucher une retraite proportionnelle aux nombre d'années de travail. Évidemment, tout le monde sait que le "départ en retraite" ne signifie pas en fait l'arrêt du travail, le montant misérable de la retraite ne permettant pas d'assurer sa survie et nécessitant la continuation d'activité sous une forme ou une autre. En tout état de cause, le gouvernement a annoncé la mise à l'étude d'une nouvelle contre réforme au vu de l'énorme dette de la caisse. Celle-ci ne pourra voir le jour qu'après les présidentielles et une tournée de concertation avec la direction de l'UGTA – qui est programmée. Dans l'immédiat , le "trou" sera rempli par le prêt du FNI ( fonds national d'investissement) lui même alimenté... par la planche à billets!

Le second revers significatif concerne l'adoption de la réforme de la santé qui met à bas un système, certes totalement délabré, mais où subsistait une certaine gratuité des soins. Il faut retenir dans cette défaite le fait que les premières victimes en sont les médecins résidents qui, après des mois de lutte, grèves et manifestations, ne sont pas parvenus à vaincre le gouvernement, à cause de la trahison de la CAMRA qui a toujours cherché à dévoyer le mouvement en se situant sur le terrain du dialogue social

Mais aussi des succès qui sont le produit direct de la lutte des classes

Malgré les coups portés, l’activité des masses est intense donnant parfois lieux à de vrais succès.. Il faut signaler à cet égard la victoire obtenue par les métallos à El Hadjar ( région d'Annaba) : "... la Direction générale du complexe sidérurgique d’El Hadjar a accepté, le 21 décembre dernier, de reformuler les contrats des travailleurs sous CTA (contrat de travail aidé) et CDD (contrat à durée déterminée) en contrats d’une année renouvelables et sans interruption et procéder à un alignement des salaires de ces travailleurs avec la grille des salaires de l’usine." dans Tout sur l’Algérie 10 1 2019. Or voilà ce qu’expliquait le 13 12 2018 Tout sur l’Algérie : "Au complexe sidérurgique d’El Hadjar à Annaba, 1020 travailleurs, dont des ingénieurs et des techniciens supérieurs, sont en grève depuis dimanche. Le complexe emploie près de 6000 salariés. Les grévistes dont une partie travaillent dans le cadre de contrats de travail aidé (CTA) réclament leur titularisation par des contrats de travail à durée indéterminée. De leur coté, les travailleurs en CDD (contrat à durée déterminée) veulent obtenir des CDI (contrat à durée indéterminée, selon un responsable au ministère de l’Industrie. Les salaires de ces travailleurs précaires sont « ridicules », a affirmé une source syndicale. « Le salaire d’un ingénieur  CTA à El Hadjar est très bas alors que l’État y contribue de 12.000 dinars par mois », explique-t-elle. Les grévistes ont passé, hier, leur troisième nuit d’affilée dans l’enceinte du haut fourneau. Les rencontres entre la section syndicale UGTA du site et la direction du complexe ont été infructueuses. En attendant le déblocage de la situation, le haut fourneau est complètement à l’arrêt depuis maintenant 5 jours. “Nous avons profité de la grève pour lancer une opération d’entretien du haut fourneau. Il y a environ 500 CTA et les autres qui participent à la grève sont des CDD. Il y a un groupe d’une trentaine de CTA, qui sont les meneurs de la grève. Ils occupent le haut fourneau de nuit, et dans la journée, ils sont rejoint par 90 autres travailleurs”, explique notre source au ministère de l’Industrie, qui assure que cette grève n’impacte pas la production du complexe. “Les autres installations du complexe fonctionnent normalement. Cette année, le complexe va produire 800 .000 tonnes d’acier et réaliser un chiffre d’affaires de 45 milliards de dinars, avec 80 millions d’exportation. En 2019, nos prévisions tablent sur un chiffre d’affaires de 53 milliards de dinars”, ajoute notre source. Toutefois, malgré le doublement de son chiffre d’affaires, la situation financière du complexe d’El Hadjar demeure difficile. “Le complexe d’El Hadjar n’a pas les capacités financières pour absorber tous les CTA. Ces derniers sont recrutés dans le cadre de ce dispositif pour être formés et au bout de trois ans, ils bénéficient automatiquement de CDD”, explique la source du département de Youcef Yousfi. “Avec les investissements engagés, nous prévoyons de recruter massivement du personnel à partir de 2020-2021. Les effectifs du complexe pourraient atteindre 9000 personnes”, assure la même source. Pour mettre fin au conflit, la direction du complexe pourrait recourir au licenciement des CTA qui occupent le haut fourneau dès la semaine prochaine. “Nous allons appliquer la décision de justice qui a été rendue en notre faveur. La situation actuelle ne peut pas durer”, avertit le même responsable."

Il faut rappeler que les CTA sont des "emplois aidés" financés par L’État à hauteur de 60 euros par mois qui assure une partie du très maigre salaire Donc huit jours avant, la direction annonçait non seulement qu’elle ne céderait pas d’un pouce mais même qu’elle s’apprêtait à licencier les "meneurs". Il s’agit donc pour la bourgeoisie d’une capitulation en rase campagne, un point d’appui pour tout le prolétariat algérien

Dans l’enseignement : dialogue social et répression

La situation dans l'enseignement ne peut être assimilée à la précédente. Les dirigeants des syndicats autonomes – pas tous du reste – ont appelé à une grève de 24 heures le 21 janvier. La proportion de grèvistes varie de 8% selon le ministère.... à plus de 50% selon les organisateurs. Ce qui est extraordinaire, c'est que l'appel à la grève se fait sur la base d'un fourre tout excluant toute revendication précise, si ce n'est la demande du rétablissement de la "retraite proportionnelle" , revendication dont tout le monde comprend qu'elle ne peut être obtenue par la seule corporation enseignante.

Un des dirigeants syndicaux appelant à la grève a donné les limites de cet appel : «il faut également qu’elle sache que la mission principale des syndicalistes est de défendre les droits des travailleurs en privilégiant en premier lieu le dialogue constructif, mais si les syndicats n’obtiennent ni réponses ni résultats positifs, ils passent automatiquement et logiquement au front supérieur en faisant une pression pacifique, qui est généralement la grève ou la tenue de rassemblements». «Les syndicats du monde entier procèdent ainsi, pourquoi les syndicats algériens doivent-ils faire exception ?»

On peut donc apprécier le fait que la grève vise à ce que les directions des syndicats autonomes visent à conquérir une place pleine et entière dans le "dialogue social" avec le gouvernement dont ils sont pour l'instant en partie écarté ( en particulier ils sont exclus des tripartites où l'UGTA bénéficie du monopole.)

Pour autant ces grèves s'inscrivent dans un mouvement d'exaspération du monde enseignant que ne peuvent ignorer les organisations syndicales, contraintes d'appeler à des journées d'actions pour tenter d'éloigner le spectre de la grève générale de toute la corporation. l’intersyndicale appelle d’ailleurs a une grève les 26 et 27 février avec des mots d’ordre dans lesquels on retrouve pêle-mêle des revendications légitimes avec la demande de participer à la rédaction du nouveau code du travail c’est a dire a rentrer de plein pied dans le « dialogue social »  !!!

A l'évidence le gouvernement entend à cette étape réserver cette place à la direction de l'UGTA. Il ne faut pas oublier que, quelle que soit leur direction, réactionnaire, c'est contre l'intégration syndicale de la direction de l'UGTA que les syndicats autonomes se sont constitués. C'est sans doute la raison pour laquelle le gouvernement a décidé de menacer et de frapper . Ainsi le ministre du travail s'est fait menaçant et a rappelé du même coup les limites étroites du droit syndical et du droit de grève en Algérie : El Watan du 12 Janvier fait état de l'intervention du ministre du travail devant l' APN ( assemblée populaire nationale) : "S’exprimant devant les membres de l’APN, Mourad Zemali, ministre de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère avec les 5 syndicats appelant à la grève. «Comme le stipule la loi, les syndicats sont obligés chaque année de fournir les détails concernant leurs adhérents. Ils doivent couvrir 20% des travailleurs du secteur pour qu’ils puissent être considérés comme tel et pouvoir lancer un appel à la grève. Ce qui n’est pas le cas pour la majorité des syndicats», martèle-t-il. Le ministre ne s’est pas arrêté à ce seuil, il est allé jusqu’à accuser certaines organisations syndicales de triche et de fausses déclarations quant au nombre de leurs adhérents. Il cite 13 syndicats de l’éducation faussaires, ayant déclaré un nombre total d’adhérents qui dépasse celui de l’éducation et de l’enseignement supérieur. Il annonce une nouvelle disposition de son département qui est une application destinée aux syndicats à travers laquelle ils sont appelés à introduire le numéro de sécurité sociale de leurs adhérents." Il s'agit donc de réaffirmer la tutelle d'Etat – assorti du contrôle policier – sur les syndicats. Dans le même temps des poursuites sont d'ores et déjà engagées contre des responsables syndicaux locaux; et le tribunal a déclaré la grève du 21 Janvier illégale ouvrant à de nouvelles mesures de répression.

Nous n'avons pas la possibilité de développer sur d'autres mouvements de classe qui se déroulent en Algérie : mouvements dans les hopitaux, les coopératives agricoles,transports, manifs locales devant les wilayas pour le droit au travail, le logement etc. Dans ces autres mouvements nous n'intégrerons pas le mouvement des imams pour l'augmentation de salaires qui nous rappelle qu'en Algérie le clergé est financé par l'Etat.Nous n’intégrerons pas non plus les manifestations qui ont eu lieu en defense de Cevital dans la région de Béjaia. Bien que massives, ces manifestations ont directement été orchestrées par Rebrab, le patron de Cevital, dans le cadre de l’affrontement qui l’oppose au clan au pouvoir. Ces manifestations n’ont aucun caractère de classe, et il instructif de voir qu’ au lendemain de la grande marche du 11 décembre 2018, le patron de Cevital n’a rien trouvé comme cadeau à offrir à la classe ouvrière, en guise de remerciements, que de taper plus fort en licenciant 43 travailleurs qui voulaient créer une section syndicale. Les manifestations de soutien à Cevital nous renseignent aussi sur le désarroi et la confusion qui règnent au sein du prolétariat, malgré sa volonté de combattre..

Par ailleurs le gouvernement, face aux développements de la lutte des classes, a recours de manière accrue à la répression : procès contre les militants syndicaux pour "envahissement illégal" de locaux d’État, ou déclenchement de grèves illégales ... Il faut noter que cette répression touche aussi largement les journalistes. La toute relative liberté de la presse en Algérie devient intolérable pour le régime et le sera plus encore dans les mois à venir vu les coups à porter contre les masses. Cette répression touche aussi la jeunesse qui utilise les réseaux sociaux ; ainsi le tribunal de la ville de Mascara a condamné le militant Hadj Ghermoul à 6 mois de prison ferme et une amende pour «outrage à corps constitué», pour avoir posté sur Facebook une photo où il tient une pancarte sur laquelle est écrit « Non à un cinquième mandat » du président Abdelaziz Bouteflika.

LA DIFFICULTÉ MAJEURE POUR LE PROLETARIAT ALGÉRIEN, C'EST L'ABSENCE D'ORGANISATIONS OUVRIÈRES À L'EXCEPTION DES SYNDICATS

A cette étape, la classe ouvrière en Algérie ne dispose comme organisations de classe que des syndicats. Il y a d’abord l’'UGTA d'une part qui comme l'UGTT en Tunisie est organiquement lié au régime . Notons à ce sujet que la direction de l'UGTA a pris fait et cause pour le cinquième mandat d’un commun accord avec le Forum des chefs d’entreprises, et qu'elle mobilise son appareil pour imposer aux travailleurs en les menaçant dans certaines entreprises, de signer des déclarations de soutien nécessaires à la candidature de Bouteflika ; cela en dit long sur le caractère de la direction du syndicat. Un article d’El watan 13 février 2019 fait état de ces menaces : «  Certains travailleurs de l’entreprise du bâtiment d’Alger, une filiale du groupe Alrecc, ont affirmé hier avoir été approchés à Boumerdès par des partisans du 5e mandat pour la signature des imprimés de candidature de Abdelaziz Bouteflika. «C’est un membre du syndicat de l’entreprise de construction et de promotion (EcoProm du groupe Alrecc) qui les a ramenés avant de les distribuer à quelques employés au niveau de notre chantier», précise un travailleur, soulignant que ladite entreprise travaille avec la filiale EBA sur le projet de construction de deux blocs administratifs pour le compte du groupe Citim, le centre d’études et de services technologiques de l’industrie des matériaux de construction. A en croire nos interlocuteurs, plusieurs travailleurs auraient accepté de signer lesdits formulaires sous peine d’être «dégagés» de leurs postes à la fin de leur contrat. «On leur a fait du chantage», atteste un employé. Ces méthodes avaient déjà été dénoncées il y a une semaine par des candidats à la candidature présidentielle. »

Il n'empêche que, faute de mieux, les travailleurs tentent de se saisir de leur syndicat et il n'est pas une seule année sans qu'il y ait plusieurs tentatives au sein même de l'UGTA de chasser la direction de Sidi Said, vendue au pouvoir. Après les métallurgistes d'Annaba, le dernier exemple en date vient du secteur des travailleurs de la santé :on peut lire dans Tout sur l'Algérie du 13 décembre 2018: "De leur côté, les paramédicaux, dont le mouvement social portant sur de nombreuses revendications socio-économiques et professionnelles traîne depuis plus d’une année, demandent le départ pur et simple d’Abdelmadjid Sidi Saïd de la tête de l’UGTA. Le Syndicat algérien des paramédicaux (Sap) est, depuis quelques semaines, à la tête d’un « mouvement de redressement » au sein de l’UGTA. Il est le syndicat le plus actif sur cette revendication. Mercredi, un sit-in des paramédicaux a été organisé devant le siège de l’UGTA au 1er Mai à Alger, pour demander le départ de Sid Said et de tous les dirigeants de l’Union syndicale. “Nous demandons leur départ parce qu’ils n’ont pas accompli leur mission comme ils auraient dû, ils sont responsables de la mauvaise situation dans laquelle nous voyons tous les travailleurs aujourd’hui », a déclaré, fin novembre, le président du Sap,  Ghachi Lounes." L’UGTA sera t-elle "redressée" ou bien ce mouvement aboutira t-il à la constitution d’une nouvelle centrale syndicale ? Il ne sert pas à grand chose de se livrer à des spéculations. Mais une chose est sûre : on ne peut considérer comme négligeable le mouvement qui périodiquement secoue l’UGTA contre la direction corrompue.

Quant aux syndicats autonomes, leur importance tient d’une part à leur origine ( ils se sont constitués en réaction à la politique de la direction de l’UGTA, et comme un produit de la crise révolutionnaire de 1988), et aussi à la place prépondérante qu’ils occupent dans une série de secteurs d’importance en particulier l’enseignement. Mais aucune illusion ne doit être entretenue sur leur direction. Ce à quoi aspire d’abord cette dernière, c’est à prendre toute sa place à la table de la concertation avec les avantages qui en résulteraient pour cette direction elle même.

SUR QUELLE ORIENTATION COMBATTRE

S'agissant des présidentielles, il faut le dire : leur caractère de mascarade n'a jamais été aussi évident . De ce point de vue, il faut porter la plus grande attention sur les mobilisations en cours contre la candidature au cinquième mandat. Il est significatif de constater qu'à peine la candidature de Bouteflika officialisée, ces manifestations ont lieu a travers le pays, rassemblant des milliers de personnes en particulier de jeunes. Nul ne sait ce qu'il peut en advenir à cette étape mais elles témoignent d'ores et déjà de la disponibilité du prolétariat et de la jeunesse en particulier, à combattre pour le boycott des élections qu'il reviendrait aux organisations ouvrières d'organiser; il faut combattre pour aider à la centralisation de ce mouvement, tout en sachant que c'est sur un terrain de classe que le boycott peut être effectif en avançant la perspective d’une manifestation centrale sur les mots d’ordre :

RUPTURE DES DIRIGEANTS DE L'UGTA ET DES SYNDICATS AUTONOMES AVEC LE POUVOIR!

NON AU CINQUIÈME MANDAT !

BOUTEFLIKA DÉGAGE !

ASSEMBLÉE NATIONALE SOUVERAINE !

(Avancer le mot d'ordre de la convocation d'une Assemblée Nationale Souveraine, n'a évidemment rien à voir avec une "constituante octroyée" dont le PT et Hanoune demandent qu'elle soit convoquée... par Bouteflika.)

Cela suppose, dans le même temps, d’imposer directions de l’UGTA et des syndicats autonomes qu'ils rompent avec le pouvoir. C’est sur cette base que peut s’ouvrir la perspective du combat pour un gouvernement ouvrier, sur la base d’un plan d’action qui satisfasse les revendications de la classe ouvrière et de la jeunesse.

Un plan d’action qui s’articulerait notamment autour des revendications suivantes : face à l’inflation: échelle mobile des salaires face au chômage: échelle mobile des heures de travail Face au pillage perpétré par les différentes franges de l’oligarchie : Nationalisation ou renationalisation immédiate des grands moyens de production sans indemnités ni rachat face à la spéculation et aux accapareurs: établissement du monopole de l’état sur le commerce extérieur face au pénuries alimentaires: une reforme agraire restituant la terre aux fellahs défense inconditionnelle de toutes les libertés démocratiques de presse et syndicales, ce qui inclut le droit de constituer ses syndicats défense des droits des femmes

Il va de soi que seule l'expropriation du capital, à commencer par l'expulsion des trusts impérialistes ( français, américains, chinois) permettra aux masses algériennes d'organiser la production en fonction de leurs seules besoins, d'élaborer un plan de production leur permettant dans tous les domaines d'y répondre Pour combattre sur cette orientation, la classe ouvrière et la jeunesse algérienne ont besoin d’un Parti ouvrier révolutionnaire combattant pour un véritable gouvernement ouvrier, rompant avec l’impérialisme, expropriant le capital et organisant la production en fonction des besoins des masses, engageant le démantèlement du tentaculaire appareil de répression, expulsant la caste parasitaire et corrompue qui gouverne aujourd’hui l’Algérie sous la houlette des puissances impérialistes.

L'émancipation des travailleurs algériens ne peut se concevoir qu'à travers la coopération fraternelle avec les autres prolétariats à commencer par ceux du Maghreb. Le prolétariat et la jeunesse marocaine se sont dressés contre la monarchie, continuant à combattre malgré une répression féroce. La grève massive des fonctionnaires tunisiens qui vient de se dérouler a rappelé que le prolétariat tunisien , celui même qui a chassé Ben Ali, malgré toutes les forces réactionnaires et les trahisons, était encore debout. Le programme révolutionnaire pour l'Algérie inclut le combat pour le Etats Unis socialistes du Maghreb C'est ce combat que mènent les militants regroupés autour de Maghreb Socialiste

le 18 février 2019

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